Ça fait comme une déchirure en moi, une espèce de tiraillement douloureux et lent à la fois, comme une pièce de tissu qui se délaminerait tranquillement en faisant une petite poussière fine qui se déploie dans l’air.
Je me sens oppressée et essoufflée à la fois, apeurée aussi un peu, triste tout au fond.
C’est comme un rêve de gamin qui s’écroule, une envie immémoriale qui s’estompe dans le lointain de la vie quotidienne, une chimère en désagrégation … Une partie de moi se meurt, quelqu’un quelque part a fini d’exister, je ne serai jamais cet être-là.
J’ai mal, je pleure et me lamente en moi-même, absorbée dans la contemplation de ce désarroi, pourtant avide de continuer quelque chose, de reprendre un cours quelconque de ma vie, toucher à nouveau à cette perspective d’avoir ma place ici.
Lire est parfois très éprouvant, trop impliquant. Je me sors de « Les revenants » et « La chambre dérobée » de Paul Auster avec beaucoup de peine, me remémorant « Cité de verre » et ayant du mal à reprendre ma respiration après cette trilogie new-yorkaise.
Trop de belles expressions, de mystères poétiques et philosophiques à la fois, une foison de pensées sur l’écriture et la littérature qui me font douter de moi, de mes écrits et de la place que devrait prendre cette activité dans ma vie… ou plutôt que je devrais lui laisser prendre… ou peut-être que je devrais lui donner ?
Aussi le blog de Manu Causse, si rempli de vie, d’émotions, de romantisme à la fois que de fantaisie … et tout ça si bellement exprimé, si radieusement sincère et proche de ce que j’aimerais vivre…
Au lieu d’un tel monde pour moi, c’est la routine tranquille d’une vie calme et axée sur le travail de mon amoureux, la maisonnée qu’il faut faire tourner sans accrocs avec un ado et un pré-ado bien étranges par moments, sans moyen ni temps pour leur faire partager mon envie de découvrir le monde, mes idées saugrenues de quarantenaire qui se sent encore des poussées d’acné, mon émerveillement pour un monde qu’on peut rendre marrant si on se bouge un peu.
J’essaie de ne pas faire le compte de toutes les copines qui ne m’appellent plus, de toutes les nuits où je ne goûte plus au plaisir échevelé connu entre 18 et 35 ans, de tous les instants de magie offerts du temps où je croyais aux signes du hasard et à la complicité avec un doux-dingue.
Une grand-mère de mes enfants me disaient l’autre jour que je ne peux pas prétendre à connaître encore la fantaisie et l’humour auxquels je me suis abreuvée pendant toutes ces années, que j’ai droit au calme et à la rigueur d’un autre amour, que je devrais même m’estimer drôlement chanceuse de pouvoir y avoir accès car ayant échappé de justesse au grand n’importe quoi de l’artiste écervelé.
Alors j’écoute les dessins sur les murs en bois de notre home sweet home me raconter des histoires de steppes, de neige et de forêts polonaises, j’essaie de trouver dans le rayon de soleil printanier la réponse à ces interrogations stupides et je finis par me raconter n’importe quelle suite aux moments ratés ou tordus de mon existence.
Ça pourrait bien donner quelque chose un jour, si seulement j’arrivais à attraper les mots avant qu’ils ne tombent dans les oubliettes de ma fainéantise.
J’essaie de rester un peu au clavier quand le bon vin ou une prise de tête me font sortir les mots, mais je n’arrive pas à lutter contre la fatigue de ces journées d’activités répétitives, je me laisse aller à l’appel de la couette ou du farniente en canapé…
Et tous les mots restent planqués en moi, bien au chaud, bien encombrants, je redoute l’instant où il leur viendra l’idée de sortir et de me harceler pour prendre consistance. Je crains ces minutes autant que je les désire, en fait, car il me semble qu’elles pourraient être les bases de longues heures de bonheur à écrire enfin, avec une raison, un but, une finalité : Le livre.
En attendant je vais maintenant réchauffer la potée d’hier soir, faire une tentative de jardinage et quelques investigations dans les méandres de ma culpabilité, à moins que je ne reçoive le signe qui me permettra de remonter la petite colline de mes élucubrations d’écriveuse aujourd'hui transformée en falaise abrupte …
Je garde espoir.
1 commentaire:
Je suis ton blog avec attention et je l'aime bien (même quand je n'y suis pas cité, si si).
Bon, le secret quand on a tout lâché pour faire de l'aaaaartgh, c'est qu'au fond... ça ne change pas grand chose. Mais c'est vrai que raconter des histoires apaise nos jolies petites angoisses, alors pourquoi s'en priver ?
Garde espoir, alors.
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