jeudi 22 juin 2017

retour en arrière




Annecy 13 mai 2017
Ce matin les premières lumières éclairent le lac d'une étrange douceur.
Le ciel est à l’image de mon esprit et de notre relation : demi-teinte de gris mêlé de bleu, quelques mèches blanches s’éparpillent entre les montagnes. La Tournette conserve ses dernières neiges mais la lutte est âpre avec le tendre vert des coteaux inférieurs.
Le lac a la couleur vert gris des yeux de notre famille, l’océan marié au ciel d’orage.
Dans le fin fond de moi un tumulte de combats gronde.
L’envie de se poser, d’observer calmement la stupeur des âmes révélées dans le farfouillis d’idées et de sentiments qui fusent par-dessus les agapes partagées en famille.
La distance entre les êtres, le décalage de sentiments, l’aveuglement de celui qui se pense et se dit face à d’autres qui écoutent, encaissent, refont en intérieur le ressac de leur détresse sur le roc de l’adversité.
L’angoisse du constat sans appel : une existence se résume à des bouts de journaux découpés, des allers-retours du passé à l’avenir, des bribes de souvenirs en élastique, qui se rapprochent puis nous échappent dans un incessant va-et-vient.
La solitude profonde de chaque enfant face à la perte de son parent – ça y est les larmes coulent, on y vient donc, le point dur est effleuré, atteint peut-être ? L’empêchement créé par les sournoiseries mal résolues de l’enfance, la pudeur de l’adolescence trop vite reniée par les aléas familiaux, ou la fatigue d’une décennie de labeur mêlé de petites escapades, je ne sais quelle puissance a régné parmi nous hier soir, puis a envahi mes songes jusqu’au matin.
Le rappel de notre absence à cette vie annécienne est un vaillant chevalier aussi, bien armuré de ses glorieuses victoires célébrées année après année et précieusement confinées entre les rives et les contreforts du massif alpin.
Les anciens tremblent de sentir le souffle de l’Ankou passer si près, espérant peut-être qu’elle les invite bientôt à leur tour aux grandes retrouvailles, ou bien s’efforçant de résister à son appel pour savourer encore quelques bribes d’ici-bas…
Les plus jeunes testent, insouciants, la capacité des adultes à reléguer à la vingt-cinquième heure toutes les routines, toutes les contingences matérielles, les laissant enfin savourer la profondeur d’un canapé, la tranche de jambon mangée à pleine main ou les mille et une merveilles des fonds de placard poussiéreux.
… et ce sentiment fugace d’une parenthèse qui s’est ouverte puis refermée, annonce d’autres possibles, trop furtive pour être pleinement observée, trop présente pour être ignorée.
… et toujours en rêve je suis dans la maison, je quitte la maison, j’y reviens mais rien n’est pareil, je gravis des sentiers caillouteux, les mauvaises chaussures au pied, ou dans une voiture pourrie la route tantôt toute belle tantôt défoncée…
… et toujours hante mes songes cette impression de millionième fois, de recherche infinie du lieu idéal où retrouver l’harmonie physique et émotionnelle.



Je ne connaissais mon beau-père que depuis une douzaine d’années, mais la peine de sa disparition brutale m'empoigne d'un désagréable sentiment de rendez-vous manqué.
Notre arrivée dans le tumulte des formalités et retrouvailles avec les frère et sœurs d'Olivier a été un peu dure pour moi, nous étions déjà fatigués de notre vie trépidante en faisant nos sacs vendredi matin mais là je me sens dépecée de toute énergie.
Toutes les bonnes ondes sont les bienvenues.

samedi 6 mai 2017

Un petit matin frais.


Samedi 6 mai 2017

L’air est mouillé de fin d’hiver, le vert encore tendre des jeunes pousses arrache à l’aube les dernières bribes d’un sommeil haché. 

Quelques feuilles mortes, rescapées du pragmatique harcèlement du souffleur automatisé s’efforcent vaillamment de se fondre à l’humus dans une ultime tentative de participation au grand tout.

Le ciel enlarme quelques yeux clignotants, la petite vitesse engendrée par le pédalage énergique vers les copains, la cour de récré et les berlingots au chocolat du goûter finit de décrotter les esprits embués par les rêves et la chaleur de la couette.

Regarder son guidon, l’asphalte qui défile, guetter l’engin vrombissant  qui peut surgir au détour du virage, se crisper un instant puis reprendre le contrôle, assurer stoïquement le maintien de son équilibre tout en encourageant sa progéniture à bien garder le cap, ses distances d’avec le bas-côté ainsi que (et plus encore) d’avec la tentation de la ligne médiane.

Réfléchir à la journée qui commence, tenter de préserver les pensées nées quelques heures auparavant, chemins creux et expéditions en d’autres galaxies, mais se faire happer par le quotidien éternellement renouvelé et se retrouver face au portail de l’école, bonne journée mon chéri, je t’aime ma puce, fais-toi plaisir en apprenant le monde et à ce soir.