samedi 26 juin 2021

26.06.21 – tristesse post-solstice



  Les habitudes de connexion numérique dès le réveil :

Alors que mon esprit est encore lié au monde naturel des rêves et d’un ailleurs inaccessible « en vrai », j’efface d’un toucher tremblant toute possibilité d’y rester quelques instants de plus, le temps de revisiter certaines caches de mon inconscient, d’arpenter certaines venelles de mes souvenirs, de laisser des visages et des gestes me guider vers l’important.

Au lieu de chérir et protéger les heures de balades oniriques, j’enfonce profond dans les tiroirs de ma mémoire, au plus sombre des étagères encombrées de mes archives intimes, toute trace de mes pérégrinations, toute éventuelle réminiscence de ce que j’y ai vu, su, entendu, compris.

Et je regarde l’humanité à travers un écran de 11x6 cm.

 

 La procrastination perpétuelle des tâches ménagères :

Recouvrant les draps de la vieille couverture marocaine, j’ai une pensée attristée pour les mains teintes au henné qui l’ont fabriquée il y a près d’un siècle. J’ai honte de mes atermoiements à recoudre sa bordure effilochée par les années de manipulation de ma grand-mère, ma mère, sa cousine et mes tantes et toutes celles qui ont lissé sur un lit ou un canapé sa texture laineuse, arrangeant les lignes bleues, crème, chocolat, aux pourtours d’un oreiller ou d’un accoudoir.

Je m’en veux de ne pas savoir préserver, ne faire qu’utiliser, ne pas prendre le temps du respect et du souvenir de ces êtres disparus qui ont œuvré à mon confort de cinquantenaire en 2021.

 Ou bien c’est cela, écrire ?

lundi 21 juin 2021

solstice, femmes en prière

 



Guy Wilthew (1876-1920) - St-Fiacre, femmes en prière - Collection particulière

Ok

Solstice, changement de saison, patin-couffin

Les jérémiades du Polemploi, des déconfitures de politiciens, les commentaires et les likes savoureux de mes ami-e-s (pas que FB) en réponse à mon post ébahi devant la stupidité du système de « retour à l’emploi »… etc.

Une belle journée que celle qui avait commencé par un magnifique et double arc-en-ciel en conduisant mon collégien de fiston vers sa dernière semaine de cours.

Une bonne journée de travail, aussi, en plus de l'étonnement et des réflexions sur le monde contemporain, la société, les commentateurs et citoyens qui comme moi s’interrogent, partagent, réfléchissent ou s’attristent. 

Et puis ce tableau.

Merci Marie

Ne plus dire, « bien faire fait taire », je me remets au boulot, à bientôt.

un autre jour, je ne sais plus quand ? Apollinaire for ever

 https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/du-droit-a-la-poesie-la-liberte-une-passion-fleuve-francois-sureau-est-linvite-des-matins

 

"La littérature, c’est ne pas accepter l’ordre des choses, l'épouvantable ordre des choses... Un écrivain, c’est quelqu'un qui ne s’y fait pas."

Je n'aurais pas pensé écouter avec autant d'empathie un homme qui, par ailleurs, a dit de sa relation avec un certain Emmanuel M. : "Nous sommes sur un pied d'intimité qui n'est pas simplement une camaraderie intellectuelle"...

son approche d'Apollinaire est loin d'être inintéressante...

Joseph Ponthus-Le Gurun, j'ai pensé à toi... mais bon, tant d'étrangeté...



jeudi 10 juin 2021

en pensant à ...


J’aurais bien écrit ce soir, à la fin de cette belle journée, les espoirs et les doutes soulevés ces dernières heures.

J’aurais bien dit les joies et les incertitudes, l’arrogance des nantis, les petites fiertés des insoumis, la beauté des choses simples ou des instants fragiles.

Il m’en a été donné par poignées, depuis le lever du soleil, de ces moments intenses et vaporeux à la fois, de ces regards et ces quelques frissons qui font un jour meilleur, valable d’être vécu, tout simplement bon à contempler à l’heure où chacun va puiser entre les draps des forces et des attentes d’un demain plus radieux. Ou au moins autant.

J’aurais bien chanté, ri et bu un coup ce soir, à la santé, au plaisir et à l’amour de ceux et celles qui ont enchanté mon enfance, mon devenir d’ado ou mes rêves de jeunesse. Certains partis déjà, d’autres encore là toujours, qui se reconnaîtront. Toutes ces belles âmes, ces sourires francs aux chevelures ébouriffées de soleil et de vent marin, je vous revois en songe, je vous chéris et… 

… merci

jeudi 3 juin 2021

la pluie calmement dans les feuillages

 

Elle attendait que ça passe… C’était long, lent et douloureux, cette boule dans la gorge qui cherche à se laisser dissoudre mais reprend pourtant consistance au moment même où elle pensait enfin pouvoir l’avaler d’un coup, gloups, et reprendre le cours de la vie  normale…

Non, y’a rien à faire, ce matin, la boule est bel et bien coincée entre amygdales et pomme d’Adam. Bon. Regarder les branches des chênes se balancer sous les rafales du vent venu de la mer ; comme elles sont belles, les feuilles retournées par la brise, argentées et sonores comme des milliers de lutins qui s’efforceraient de distraire l’âme des humains de leurs trop lourds fardeaux. Elle est douce aussi, l’attente du prochain élan de vent. L’écoute s’aiguise au fur et à mesure que le silence change, les premières branches frémissent, l’arbre peu à peu s’anime et prend bien sous la poussée de la rafale. Soudain l’intensité augmente, elle se prend à imaginer l’ouragan brusque et violent qui jetterait tout édifice humain à terre et remettrait les pendules à l’heure, l’heure zéro du désastre et du « Tout est à recommencer, par où on s’y prend ? ».

Mais non, le vent décroît, les branches s’apaisent, les feuilles reprennent une position apaisée, le calme revient… l’angoisse n’a donc pas été chassée par l’air marin, toujours un relent de ras le bol et d’incompréhension, comment faire pour mettre fin à cet état loqueteux de pauvre malheureuse ?

Tout doucement, la pluie commence à tomber, quelques gouttes qu’on dirait sorties d’un brumisateur pour l’instant, mais en quelques minutes tout est humide, presque trempé… les arbres commencent à dégouliner, le vent s’est calmé sous cette petite bruine qui l’a abattu.

À observer la pluie ruisseler sur les vitres, elle a peu à peu perdu l’envie de pleurer … quelques larmes ont accompagné les plus fortes gouttes du début de l’averse, elle se sent mieux, comme un peu lasse, peut-être enfin vidée d’une partie de cette substance visqueuse qui englue ses sentiments et tout son être dans un état d’apathie malsaine.

Elle sent encore le poids des regrets, la lourdeur de tous les instants portés depuis des années comme le pesant et encombrant fardeau de cette vie à continuer, cette existence rêvée qu’elle ne peut plus, ne pourra jamais assumer. Se résoudre à renoncer, se rappeler les émotions sacrifiées, remuer dans la plaie béante de son cœur arraché, disloqué, le couteau de la déchirure, l’arme fatale de la séparation : voilà, elle le sait maintenant, la raison de son mal-être depuis ce matin.

Les vitres sont maintenant recouvertes d’un véritables rideau de pluie, une tenture liquide et transparente qui déforme le paysage, les arbres et le jardin, un voile invisible qui lave de toutes les impuretés déposées par la chaleur moite de l’été indien … Ses pensées se diluent dans cette eau purifiante, elle laisse aller les émotions trop intenses et se sépare peu à peu, presque à contre-cœur pour certaines, des sensations les plus douloureuses.

La pluie redouble soudain, le vent se lève à nouveau, une charge ultime des intempéries pour rincer à grandes eaux les dernières traces de nostalgie et de remords. La douleur est plus diffuse à présent, comme délitée entre différentes couches de filtres dans son cerveau, le cœur commence à se refermer, lentement les fils de suture se resserrent. L’infinie douceur de la vie d’avant lui revient encore en mémoire, quoique lustrée par la conscience de la manipulation de son esprit pour magnifier le passé. Alors, elle se rappelle l’état second où elle a laissé partir à la dérive ses certitudes et ses engagements, comptant sur sa bonne étoile pour ne pas avoir à regretter ses actes par la suite. Elle vivait à l’époque comme en apesanteur, les journées défilaient dans l’urgence d’accomplir les tâches essentielles, bien s’occuper des enfants, du boulot, de la maison, de l’homme en qui elle croyait et plaçait tous ses espoirs d’une vie plus belle, tout en le négligeant comme elle se sentait négligée (et se négligeait si bien). Pour oublier ses absences répétées et les longs moments de solitude qu’elle éprouvait parfois même en sa présence, elle avait appris à se débrouiller : comment tromper l'ennui avec les livres, une émission débile ou une parlote au téléphone avec l'amie lointaine, la cousine oubliée, les parents ignorés. Chacun-e lui rendait ce quotidien moins difficile à supporter. Le soir, elle s’affalait souvent en travers du lit sans être passée par la salle de bains, une fois les tâches ménagères achevées, le dernier mégot éteint dans la cheminée… les lumières allumées (appel à l’absent, invitation à trouver son chemin vers elle malgré l’heure tardive), elle se glissait sous la couette, se défaisait de ses vêtements et les laissait tomber au pied du lit, déjà à moitié endormie. Quand il rentrait, parfois elle se réveillait à moitié, s’il restait regarder la télé elle replongeait dans ses rêveries, si en se couchant il tentait de l’attirer à lui, elle attendait qu’il se soit endormi pour descendre pleurer, écrire ou fumer sans faire de bruit.

Maintenant que la pluie avait presque cessé, de grosses gouttes tombaient lourdement des branches toutes mouillées, les feuilles luisantes penchaient, chargées d‘humidité mais comme revigorées par cette toilette imposée par les cieux. Le vent achevait de les sécher, dans son cœur aussi elle sentait comme le souffle apaisant d’une mère sur le front brûlant de son enfant malade.