lundi 19 octobre 2015

veille de 16 octobre 2015



Veiller comme il y a vingt trois ans, t’attendre t’espérer, dormir un peu pour mieux t’accueillir dans quelques heures, et voilà après toutes ces pensées ces émotions ces sensations nouvelles, douces et violentes à la fois, je t’ai serré dans mes bras et j’ai pleuré en remerciant ton papa, les sages-femmes et les infirmières, tes grands-parents et ma grand-mère, le monde entier peut-être même, de m’avoir donné la joie de te rencontrer.
Il était 22h quelque chose, le premier jour à matin frisquet depuis la fin de l’été, les vitres étaient embuées et le ciel déjà sombre, mais ça faisait quelques heures qu’on te guettait donc j’avais encore en mémoire la douceur des couleurs de ce début de 16 octobre, ça m’a consolée du vert tristouille de la salle de travail.
Après il y a eu des moments de doute sur comment tenir ce petit être, le nourrir et le soigner du mieux possible, j’avais bien potassé mon Ginette Pernoud mais je me suis trouvée bien des fois démunie, je dois te l’avouer, face à la beauté offerte chaque instant on a parfois du mal à être à la hauteur.
Et puis j’ai détesté quand tu te faisais mal, quand tu étais triste ou que quelqu’un t’avait sous-estimé ou laissé incompris. J’ai pas non plus aimé que tu sois parfois distant, irrespectueux ou juste mal dans ta peau, dans ta vie, dans ma vie.
Tu m’as donné des larmes, des rires et des chouettes couleurs au matin comme au soir, tu m’as forgée, façonnée, améliorée.
L’an dernier je l’ai mis sur FB, mais depuis j’ai compris que rien ne vaut l’intimité pour vraiment dire à son enfant qu’on a grandi autant que lui et que ça rend fière.
Avant-hier je disais à ta Mamie que je n’avais pas trop de nouvelles de toi, elle m’a répondu direct « mais faudrait quand même que tu t’y fasses, ça y est, il est grand maintenant !!! »… merci Maman, même si j’en ai douté parfois c’est quand même toi qui m’a appris que les enfants ne sont pas faits pour rester au nid.
Je t’aime mon tout premier, mon p’tit joli, mon bel orage…
Longue vie encore et toujours,
Ta Mam qui t'aime

lundi 12 octobre 2015

le 23 septembre 2014

Certains soirs c’est vraiment dur. Il faut penser, ne pas rêver, ou se laisser aller au contraire, ne plus insister.
Des jours sont moches, d’autres gais, et cette putain de touche , ? qui ne veut plus se faire douce.
Mais les larmes pointent leur vilain nez, mon fils aîné les retient par ses messages décalés, à mille lieux de moi.
Pourquoi on nous dit pas que les enfants deviennent adultes beaucoup plus tôt que nous ?

Quand j’étais naïve – hier, l’an dernier, il y a longtemps – mes amies me voyaient telle que je suis, ma famille pensait souvent à moi, je pouvais donner le meilleur de moi-même et m’endormir sans peine ni regret à la fin d’une journée, belle ou grise.

Là maintenant je suis vieille et fatiguée d’essayer de faire semblant de pas avoir vu que la vie est si bizarre.
Les moments magiques refont leur apparition, coïncidences ou rencontres, lectures, films et retrouvailles avec le passé, les gens aimés, les paysages délaissés…
Et toujours quelque chose m’empêche, me retient, prend la priorité sur ces fines sensations poétiques et furtives. Et me voilà incapable de retranscrire ces infimes bribes de vérité, d’incertitudes, d’émerveillement.

J’ai ressorti le vieil iBook, j’aime retrouver la chaleur qui monte doucement du clavier et réchauffe aussi mon ventre à travers la couette. Écrire allongée, le pied. Un peu moins bien que le Waterman blue-black ink sur un cahier Clairefontaine, mais bon, faut être moderne. Si je veux garder espoir d’être lue, c’est le seul moyen.
Je ne saurai peut-être jamais ce qui me motive le plus, l’écriture en elle-même ou quelque chose de plus littéraire ??
Qu’importe, les mots s’alignent pareil. Ou presque.

« the lunchbox » - cette femme magnifique qui tâtonne en cherchant le sens de la vie. Cet homme qui se raccroche à des bribes de raison de vivre.
Passer à côté du bonheur ou ne pas le voir sous son nez, est-ce que tout un chacun a la même destinée ? on dirait bien parfois que la vie s’acharne à nous déprimer, en tout cas elle reste mystérieusement insensée pour moi.

Rien de nouveau donc, l’éternité des étoiles l’atteste, on n’a pas fini de chercher.



lundi 10 août 2015

y a des matins comme ça...

... où  je me réveille malgré les petites heures riquiqui trop courtes qui ne  m'ont apparemment  pas apporté  le repos que j'en espérais.

... où la boule dans la gorge n'a pas été avalée par les rêves les plus doux, les caresses les plus calmes, les tendres douceurs ni la chaleur des draps.

... où cette sourde appréhension me motive à sortir du lit, ouvrir en grand toutes les portes et fenêtres, arroser le jardin jusqu'à vider les récupérateurs d'eau de pluie, mettre une lessive en route... et faire de la compta, et préparer un petit dej de vacances pour mes petits chéris ...

... juste avant de te poser la mauvaise question au bon  moment. ça y est j'ai le pourquoi du comment,  toi aussi tu n'as pas assez ou mal dormi, parti au boulot avant 7h alors que ça devrait être notre premier jour de vacances en  famille, dos bloqué - mais "pas assez pour t'empêcher de faire du bureau" - et un rendez-vous chez l'ostéo demain à l'heure où on aurait dû finir de boucler  les valises.

Bon.

super. de toutes façons j'ai pas envie de partir, notre jardin me plaît, j'ai horreur des jours de départ, je kiffe bien le lever de soleil depuis notre chambre, le coucher depuis notre salon, les heures creuses où les enfants s'ennuient, la couleur du ciel quelque soit le temps.

alors tant mieux, quelques heures ou jours de plus avant de partir, tout va bien.

merci la vie, on va se laisser porter.

dimanche 12 juillet 2015

Mam Goz Loeiza s'en va

Mamie,

Çà y est, il paraît que c'est le moment, Maman vient de m'appeler, elle t'a trouvée à terre, essayant d'agripper un appui, de trouver un moyen de te relever, encore une fois, pour reprendre force et courage et continuer encore un peu le chemin...
mais cette fois j'ai senti comme un courant d'air légèrement plus glacé, comme un souffle qui passe pour ne plus jamais revenir, l'air s'est fait plus épais, je ne vais peut-être pas avoir le temps de te dire au revoir.

Depuis des années déjà, tu nous dis que rien n'a d'importance ici-bas, depuis plusieurs décennies j'entends ta rengaine à chaque départ d'un plus jeune que toi, aimé ou inconnu : "mais que fait le Bon Dieu, pourquoi il ne me prend pas moi, ma vieille peau n'est donc pas aussi savoureuse ?!"…
Tu me diras, c'est pas dur, tout le monde est plus jeune que toi, et puis personne n'a eu autant d'occasions que toi de s'endurcir, de tromper la faucheuse, de lui rire au nez et de prendre les chemins de traverse pour lui échapper...

Naître en octobre 1912 dans une petite commune du littoral breton, c'était déjà faire preuve d'un grand courage et d'un profond sens de la compétition pour le bonheur : la maison où tu as vu le jour n'avait pas encore l'eau courante et encore moins l'électricité, ta maman portait le deuil de son mari depuis peu, ton frère aîné eut priorité pour étudier, voyager, s'émanciper... Comme tant de filles entre les deux guerres, tu as donné sans rechigner ton enfance, ta jeunesse, tes plus belles années, pour aider ta mère à tenir sa maison et son commerce.
Puis, quand enfin tu as pu trouver le bonheur avec Papy Charles, l'affreuse mécanique de la guerre a bien failli te priver du joli destin auquel tu avais droit. Plusieurs années de séparation, de privations et d'angoisse quotidienne ont continué à forger ton sacré caractère : tu n'as jamais démérité, jamais abandonné la partie, toujours tu as fait front, vaillante petite femme protégeant ses enfants, ayant foi en l'avenir, en l'amour qui finirait bien par vaincre toutes ces tragédies.
Puis, traversant la France transformée en capharnaüm pour rejoindre ton mari, tu as quitté ton village, ton pays, pour construire au Maroc une nouvelle vie : là-bas, tu as trouvé le soleil, la joie de vivre sans souci avec les amis et la famille élargie, les beautés du monde arabe et l'allégresse de voir grandir tes enfants en paix et de pouvoir leur offrir les études qui t'avaient tant manqué.
Les épreuves n'ont pourtant pas cessé çà et là de t'importuner, la santé fragile de ta petite fille, le déchirement de quitter ce pays magique pour revenir à ta Bretagne natale... Mais toujours tu as fait face, ta bravoure et ta gaieté ont toujours fasciné toutes les personnes qui t'ont côtoyée.

Avec Papy Charles, vous avez su reconstruire à Concarneau une belle situation, vivre des années tranquilles, de labeur puis de retraite paisible malgré les aléas de santé des uns et des autres autour de toi.
Tu as connu les joies de voir tes enfants fonder chacun une belle famille, à chaque vacance scolaire tu t'es régalée à accueillir et choyer tes petits-fils et petites-filles, leur apportant l'amour et la joie de vivre, mais aussi le respect de valeurs humaines essentielles : le goût de l'effort et du travail bien fait, l'importance de l'autonomie en toute action.
Tu as ensuite traversé d'autres années sombres avec la maladie de Gaëlle, puis le rapide déclin de Papy qui t'ont tour à tour livrée à l'absence, bien trop vite.

Tu as pourtant vaillamment gardé ton indépendance, nous impressionnant à chaque visite par ton autonomie, ta volonté intacte de tout faire seule, malgré les faiblesses dues à l'âge.

Très entourée par tes enfants et tes petits-enfants, tu as pu passer encore de nombreuses années chez toi, dans cette maison où nous avons tous de si bons souvenirs de vacances ensoleillées et de joyeux repas de famille. 
Puis tes arrière-petits-enfants t'ont à leur tour apporté quelques rayons de soleil. Ton regard amusé et toujours pétillant devant chacun de ces jeunes (de trois quarts de siècles de moins que toi) m'a toujours émerveillée : tu m'as appris qu'en toute chose, en tout moment, la vie est belle si on y met du sien, si on sait reconnaître la chance d'être là plutôt qu'ailleurs, si on espère que demain sera plus beau grâce à l'amour et la confiance. 

Ces dernières années, tu as lâché prise, tu n'es plus bien présente en pensée, tes paroles n'expriment plus grand sens mais tu es toujours aussi magnifique, petit bout de femme vaillante malgré ta fragilité grandissante, mon exemple préféré de ténacité et d'optimisme.

Je t'aime, Mamie, tu vas terriblement me manquer.

vendredi 3 juillet 2015

Adieu Petit Prince

en 1990, quand tu es arrivé dans mon village, démarche tranquille et sourire aux lèvres, ma vie a pris une couleur différente.
ça faisait déjà quelques mois que ma trajectoire fléchissait, du grand bond en avant vers un avenir radieux après quelques années d'études, j'étais déjà entrain de bifurquer vers un petit chemin de bord de mer bien sinueux, mais ô combien plus attirant que la vie rêvée par mes parents et grands-parents...
tout autour de moi sentait l'air du large, j'avais osé et réussi à me départir des convenances familiales et sociales pour voguer au gré du courant trinitain, un coup au rade, un autre en mer... jamais seule, jamais fatiguée, toujours souriante et pêchue...
et rigolant...
et aimant ça.

et puis tu es arrivé, avec ton regard d'enfant rêveur, ton visage de beau gosse nature, tes gestes de mec sûr de sa force, de sa place, de son chemin à faire, en mer comme à terre. en mer plus qu'à terre.
pieds nus à toute heure, en short une grande partie de l'année, les mains encore caleuses de la dernière traversée, les cheveux blanchis par le sel et le soleil.

avec toi il y avait tes potes, ton équipe... tu as toujours été entouré de gens formidables, passionnants autant que passionnés, éperdument amoureux de l'océan, de la vitesse, de sensations hors du commun.
j'ai aimé ta façon de les étonner, de les pousser à agir, à gamberger, à se transcender comme dit ton frangin.
tu as dessiné des plans avec les archis, tu as montré aux ouvriers du chantier comment coller ensemble résine et contreplaques, tu as tourné des pièces en titane à ton idée, tu as expliqué au voilier comment dessiner et couper tes prochaines voiles, puis tu as embarqué chacun et chacune sur ton bateau fraîchement mis à l'eau, et vogue en baie, en océan, entre les continents...

j'ai aimé cette tranquille assurance, ce joyeux air de savoir que rien n'a d'importance, ce farouche besoin d'aller en mer, sur un engin magnifique, fruit de tant d'heures de réflexion, de partage, d'énergies mises en commun... 

tu nous as transmis l'amour des belles créations, le respect de la nature et de soi-même, sans te départir de ton éternel sourire, de ton regard attentif et profondément humain.

quand on traversait du Trého à la Teignouse avec toi, on mettait rarement plus de temps que pour aller du pont de Kerisper aux Chandelles et encore moins que pour en revenir...

quand on fêtait un anniversaire - ou rien du tout d'ailleurs - il y avait toujours des paillettes dans tous les yeux, des ronds-points à l'envers et parfois même une pelleteuse, une boîte aux lettres en vadrouille ou une voiture flottante...

les jours d'avant départ de course, quand tout le monde s'agite sur les pontons, s'endort tard en des endroits aussi improbables qu'un container, une niche sous les remparts ou derrière une passerelle de ponton, tu restais frais et solide, tellement heureux d'aller vivre en mer ta passion de glisser le plus vite possible sur l'écume, d'égaler les dauphins à la course, de surfer sur les vagues du plaisir.

cette année-là tu n'as pas gagné la course, en gentleman tu as cédé la première place à la Fiancée de l'Atlantique qui avait chèrement mérité sa consécration... elle aussi féérique amoureuse de la mer, championne du croquage de vie puissance mille, audacieuse marin épaulée de mecs fantastiques...

et puis la vie m'a entraînée vers d'autres rivages.
une dizaine d'années après, nos chemins se sont à nouveau croisés, nous étions devenus des parents, chacun à sa façon enrichi de découvertes, de rencontres, de voyages, de succès ou d'échecs...
mes enfants ont partagé les mêmes bancs d'école que ceux de ta compagne, les mêmes bords de mer, la même douceur de vivre... les miens sont revenus plus d'une fois avec des étoiles plein les yeux d'une virée dans votre belle propriété aux animaux étonnants pour un jardin trinitain...
tout était serein à votre contact, la vie semblait si simple et douce pour votre famille, les aléas du quotidien m'ont toujours paru vous épargner la lourdeur d'une routine pourtant universelle...

et puis vous êtes partis pour votre beau voyage familial. nous avons regardé Jambo quitter le port avec des sentiments mêlés de tristesse, d'admiration et de respect, voilà un homme et une femme qui osent, qui savent larguer les amarres et assumer pleinement leur choix d'une vie différente, meilleure pour eux et leurs enfants...

nous avons suivi votre périple le long des côtes brésiliennes, chiliennes, dans les eaux froides puis chaudes du Pacifique...
lors de vos retours en métropole nous avons savouré les trop courts instants en votre compagnie, les enfants se retrouvaient, les copines et les copains reprenaient leurs droits à la rigolade, aux bonnes soirées, aux heures délicieuses de l'amitié.

et puis voilà, l'autre matin en allant bosser j'entends que tu n'es pas remonté. la mer t'a gardé. un monde bascule. tout éclate en morceaux. ces vingt-cinq ans passés à construire, à aimer, à donner la vie, à regarder grandir, à douter, à chercher, à refaire, à essayer, à réussir parfois, tout est remis en question par ces quelques mots : Laurent n'est pas rentré de plongée.
en quelques minutes, tout remonte, les souvenirs et les incertitudes, les espoirs et les déceptions, les tentations et les renoncements.

les belles choses accomplies sont là aussi, pour me prouver que chaque parcours peut être considéré comme heureux si on le veut bien...
mais ton brusque départ ravive un sentiment désagréable d'inachevé, d'incomplétude.
et la tristesse de ne pouvoir te dire la place que tu as eue dans mon existence.
et la méchante boule qui bloque ma gorge en pensant à Caroline, Lou, Basile, Justine et Jules livrés à ton absence.

mais aussi le respect pour Yvan, ton frère aimant, si fier de toi et soudain si malheureux.

Merde ! Laurent, pourquoi t'as choqué ?

mardi 9 juin 2015

atelier d'écriture

merci Françoise !

ce soir tu m'as aidée à ouvrir une petite fenêtre, l'air est frais dehors mais c'est tentant de le humer...

parfois j'ai l'impression que je n'arriverai jamais à écrire "sérieusement", souvent je pense qu'il est vain de même m'y efforcer, chaque jour je remets à plus tard ce doux rêve...

mais aujourd'hui, est-ce une coïncidence, un signe, un pur hasard, l'émission "La Grande Table" sur France Culture recevait l'éditeur et la traductrice de Goliarda Sapienza, grande, très grande écrivaine italienne du XXème siècle...
au dos du seul livre d'elle disponible à la médiathèque de mon village ce soir, "moi, Jean Gabin", une citation : "il ne faut pas laisser la vie détruire le rêve".

Dont acte.

mardi 3 février 2015

au sujet du doc "jusqu'au dernier" France 2 du 26/01 au 03/02/2015



La grisaille la tristesse la nausée le désespoir.
Overdose d’images de la Shoah, la violence des scènes de massacres, pogroms et autres odieuses mises en scène macabres me fout la gerbe, y a pas d’autres mots.
Ces historiens sont hallucinants de réalisme, de maîtrise d’eux-mêmes et du sujet qu’ils nous exposent dans ses détails les plus horribles.
Toute cette saleté humaine sera-t-elle un jour lavée définitivement, par quel moyen pourra-t-on jamais retrouver les couleurs de la vie d’avant, pourquoi quelques centaines d’hommes ont-ils pu anéantir ainsi des millions de vies, des milliards de bonheurs possibles, une part de l’humanité ?
Comment les réalisateurs de ces documentaires ont-ils pu aller au bout de leur travail, réaliser ces heures de film où chaque minute est un rappel des insultes faites au respect, à l’amour, au bonheur sur terre ?
Je suis née de parents qui ont souffert de leur naissance à l’âge de huit-dix ans de la guerre provoquée par les nazis. Leur père est parti combattre pendant des années, leur mère a dû se débrouiller pour les nourrir, les habiller, les éduquer malgré la pénurie d’aliments, de moyens et de liberté imposée par l’occupant. Bien que protégés dans leur lieu de naissance, leur culture et leur religion, si on les compare aux millions de sacrifiés, ils m’ont transmis cette histoire terrible, m’ont éduquée à refuser la haine, le mépris, le sarcasme et la violence sous toutes leurs formes. Mais jamais je n’avais encore compris à quel point cette phase sombre de l’histoire européenne pouvait être affreuse dans sa dimension d’acceptation collective du mal.
Je m’interroge toutefois, au vu de ces images de propagande si cyniquement orchestrée, s’ils ont jamais entendu les adultes de leur entourage, peut-être même leurs propres parents, se plaindre de ou critiquer l’existence des juifs avant qu’ils ne soient pourchassés, violentés, anéantis ou tout comme, partout en Europe des années 1930 à 45 ?
Dans les années 80, enfant puis adolescente, j’ai côtoyé des Allemands et des Autrichiens qui ont pu appartenir à des familles de racistes, antisémites, peut-être même des gens actifs dans ces abjections. Jamais je n’ai imaginé poser la question qui me viendrait maintenant à l’esprit en les rencontrant : où étiez-vous lorsque les premiers magasins ont été « tagués »,  quand les médecins, avocats, professeurs, etc… ont été frappé d’interdiction d’exercer parce qu’ils étaient juifs... puis en novembre 1938 pendant la nuit de Cristal, lorsque les synagogues ont brûlé, que faisiez-vous, que disiez-vous, comment avez-vous vécu dans cet enfer infligé à quelques uns d’entre vos voisins, vos compatriotes, des êtres humains comme vous… ???
J’essaie de comprendre, de ressentir autre chose que du dégoût ou un sombre désespoir, mais comment arriver à garder le sourire, à croire que notre planète pourrait être un jour le havre de paix de tous et toutes et non pas l’enfer qu’elle a été pour un si grand nombre dans ces années-là ?
Je n’arrive pas à regarder ces docs jusqu’au bout, je cale de plus en plus tôt à chaque nouvelle tentative, les images sont trop brutales, la démonstration trop bien menée, les témoignages trop poignants, les analyses trop précises. Le machiavélisme des nazis m’asphyxie, le souffle court je cherche un rayon de soleil dans mon environnement pour me permettre de reprendre les couleurs qui m’ont désertée au fil du visionnage, me maintenir éveillée, sereine comme j’aime à l’être pour penser le monde et l’aimer.

samedi 17 janvier 2015

Qui étions nous le 11 janvier ?


Denis Podalydes, 11/01/2015 :" La phrase concerne moins aujourd'hui que les jours précédents : "Au chagrin de ce jour nous devons obéir, dire ce que nous sentons et non ce que nous devrions dire."
Je pense à l'écrivain qui dira un jour ce que nous sentions dans une langue exacte."


Or donc, il m’a fallu une nouvelle semaine pour comprendre, réfléchir, ressasser et mettre en mots toutes ces émotions.
Plusieurs fois, comme  à l’accoutumée, les phrases se sont alignées, belles, cohérentes, parfaites après quelques hésitations.
Mais c’était simplement en moi, dans la pénombre de l’endormissement ou la pâleur du  réveil trop matinal.

Des mots, des images, des idées…
Des notes de musique aussi, quelques lumières entraperçues, une odeur dans la campagne, une ambiance entre deux êtres ou à un moment donné.

Et puis là devant le clavier tout redevient trop difficile.
Trop fatiguant. Trop inutile.
Toute seule avec moi-même et la misère du monde en  arrière-plan, les meilleures intentions d’écrire, dire, laisser une trace, se perdent en moi et dans la faible distance de mon cerveau à l’ordinateur.

Et ça ne changera pas grand-chose.
Tout pourra se retrouver un jour, ou pas, et tant pis.

Kerbrezel, le 17 janvier 2015