Aujourd’hui, avant toute chose, écouter mon corps,
mes sensations, la musique de l’univers.
Voilà ce qui me vient à l’esprit en ouvrant mon
ordinateur, à la vue de ce collage
de Matisse qui s’affiche en fond d’écran – passée la petite frayeur d’un redémarrage laborieux, le temps que
je me souvienne l’avoir complètement éteint hier soir.
Recherchant le fichier image dans les tréfonds de l'arborescence informatique pour l’insérer ici, je suis intriguée par son titre et me pose d’autres questions. La Tristesse du roi, 1952. Je voyais un musicien, une danseuse, un
mouvement de grâce parmi des pétales de fleurs printanières ou de feuilles
tourbillonnant au cœur d’un été sec et venté, une fusion à l’univers, le lien
entre les arts et la nature, une mère élancée vers les fluides merveilles
offertes à son être rivé au sol par l’enfant qui l’enlace. Intriguée, j’y
ressens à présent cette mélancolie, jetée par le personnage vert comme des
pleurs qu’on voudrait disperser, façon de transmettre son émoi pour recevoir en
retour un apaisement, une douceur dont on ne sait plus trouver la source.
Ou est-ce dans l’autre sens qu’il faut lire ce
tableau, les feuilles dorées s’envolant du bord inférieur droit en une
arabesque délicate qui contourne les artistes, danseuse concentrée sur ses mouvements, musicien plongé dans sa mélodie, tous deux tentant de leurs gestes graciles de laisser leurs âmes porter talent et énergie vers celui
qui les reçoit, guettant d’une main grand ouverte les pépites d’émotions
portées par l’air ?
Que tient-il dans le giron de ses jambes repliées, alors ? N’est-ce
pas la tête blonde d’un enfant assoupi ? Je reste à méditer un instant,
dehors le chat miaule (lui aussi de tristesse ?) face au jardin trempé, s’abritant
comme il peut sur la terrasse brillante de la première pluie d’octobre. Il ne
répond pas à mes caresses, si ce n’est pour me signifier que tout cela, le gris
du ciel, un nouveau chien chez les voisins qui le nourrissent habituellement,
ma farouche obstination à ne pas le laisser entrer par peur des puces et des
allergies de mes enfants, tout cela, ce n’est pas un bon début de journée pour
lui.
Kerbrezel, 1er octobre 2021