mardi 9 février 2010

matin difficile

C’est pas lire que je devrais faire dès que j’ai cinq minutes, c’est écrire, sortir les mots de ma tête avant qu’ils ne prennent toute la place et me rendent dingue et inapte à la vie sociale.

Trop de miettes de pain grillé collées par la confiture à cette vieille toile cirée, trop de taches de café séchées qui narguent mon désir de vie calme et propre, trop de poussière accumulée sous les meubles et comme imprégnée dans l’air de cette foutue maison.
L’ambiance pourrie par les cris incessants, cette douloureuse atmosphère tendue qui nous sape le moral dès le réveil « et merde, encore réveillé trop tôt, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de cette heure et demie en attendant le déclenchement du réveil ? »
Toutes les lumières de la ville ne sont pas encore allumées, il fait froid et un SDF doit être entrain de mourir quelque part dans une encoignure de porche, là-bas sur l’avenue où les joggers remplaceront bientôt son souvenir.
Quelques raies traversent quand même les persiennes de temps à autre, une voiture passe, on l’entend à peine, mais ses phares savent mieux que tout bruit nous faire part de sa présence furtive au bord de nos vies.
Elle est engoncée dans son sommeil, les draps entortillés autour de son buste, il reste à peine de quoi passer un doigt pour effleurer ce petit bout de peau qui me tente à chaque fois que je le sens à portée de main.
Tout à l’heure l’amour aura déserté, il ne restera que la routine de notre existence de merde, un fac-similé d’aptitude à respirer, un souvenir de projets de bonheur.
Alors je la prends doucement par les épaules, la serre tendrement contre ma poitrine apeurée, et mes larmes coulent dans ses cheveux pendant qu’elle se réveille… ses yeux gris cherchent l’écart entre ses rêves et cette réalité, elle me sourit… tout n’est pas perdu.


Les jours comme ça où les larmes me viennent au milieu d’une gorgée de tisane, je voudrais redevenir une petite fille, m’effondrer sauvagement dans les bras de mon grand frère, regarder un dessin animé en mangeant du Nutella, ne plus savoir ce qui est bien de souhaiter pour l’avenir, rester à contempler la mer et ne plus rien savoir ni comprendre des hommes, des femmes, des enfants ou du temps qu’il fait.
Je voudrais être neutre, naïve, vierge de toute trace de civilisation, me réchauffer doucement au soleil en roulant dans le sable, sentir le sel sécher sur ma peau dorée et c’est tout.

Au lieu de ça il faut que j’aide mon fils aîné à nettoyer sa première maladresse du matin, que je garde en moi cette envie fulgurante de le prendre dans mes bras pour le consoler au lieu de le houspiller parce qu’il ne sait pas passer la serpillière…
Après je vois chacun partir pour une journée de boulot, et je suis seule, pourtant j’aime cette solitude du matin quand tout est encore à inventer…mais les mots ressassés cette nuit me hantent et m’empêchent de rester sereine… la fatigue des dernières insomnies est plus forte que l’entrain d’un matin que je voulais tranquille, beau et paisible.

Dois-je en vouloir à John Irving et sa Veuve de Papier de m’avoir fait retomber dans l’antre de l’écriture, ou bien est-ce la prose bizarre de Lydie Salvayre qui a ouvert en moi les vannes du barrage édifié par ma vie de nouvelle maman ?
J’aimerais pouvoir dire non au copain en mal d’attachée de presse, au vieil écrivain qui attend ses manuscrits dactylographiés, aux copines de l’association dont je suis trésorière, à tous et chacune je voudrais dire stop, je ne suis plus là, j’ai mieux à faire : j’écris.

Mais un pleur de bébé me rappelle que je suis d’abord une maman, alors j’abdique.