vendredi 8 avril 2022

en écoutant en relisant


Aujourd'hui çà commence comme ça, avec un poème qui dit le dur et l'espoir :

"C’est comme ouvrir un menhir avec les mains - Alejandro Jodorowsky

Cessez de chercher, vous êtes la porte
et les gardiens qui en interdisent l’accès.
Chaque pas vous éloigne du nombril
chimères assoiffées d’aventure.
Vous croyez que le mariage vous libère de la mort
ou que l’argent vous marque dans la hiérarchie divine.
Cessez de chercher, la conscience est le philtre magique,
L’œil capable de rejoindre les orbites vides de Dieu
traversant la mort. Personne ne se rencontre soi-même
en parcourant les mers ou en explorant les cavernes.
C’est difficile, comme ouvrir un menhir avec les mains
car notre âme est plus dure que la pierre."

trouvé là : https://www.printempsdespoetes.com/C-est-comme-ouvrir-un-menhir-avec-les-mains

et puis il y a les dernières heures, en écoutant le podcast quotidien de France Culture "Guerre en Ukraine" :

 

Que dire, à quoi penser, dessiner seulement, quelques fleurs, des tiges vertes d’espoir, un rose de vie qui passe et se maintient, un flux incontrôlé de pensées et de peines, d’espoir aussi un peu, sous la lumière de cette fin de journée où l’énergie fut immense et diffuse à la fois…

Des sensations de fatigue, de trop de choses, images, tristesse ou déception accumulées, tout un fatras de masses informes et lourdes, opaques, grises et trop énormes pour ne serait-ce qu’imaginer de quelle manière, comment, par quel côté, sous quel angle commencer à les amoindrir, creuser en leur flanc ou leur base, à moins qu’on ne prenne cette montagne obscure par son sommet pour créer l’éboulis qui la rabotera, l’usera plus sûrement que tous les vents, toutes les pluies, pour n’en laisser un beau matin que la fine poussière des restes infimes de son ancienne insurmontable présence.

Alors oui, des roses des verts des bleus, entrelacements de mots et de sève élancée, tresse vivante de ce qu’ont vu, rapportent, racontent, ces femmes et ces hommes qui s’en reviennent du pays en guerre.

Et nous ici, à nous demander ce que par miracle on pourrait enfin faire pour arrêter cela, faire taire à jamais larmes et sanglots, sécher les tristesses et la honte qui irriguent les âmes torturées en d’indicibles torrents de misère, abreuver les corps assoiffés de paix et de justice, offrir tendresse et robustesse aux membres endoloris, aux cœurs lacérés, aux yeux éteints.

Alors, écrire, encore et toujours dire, sans relâche ânonner les ressentis et les prières, ne pas cesser de mettre au monde les doutes et les envies, les pleurs et les rires, toujours, encore.

 Ensuite, penser aux prochaines heures, journées, lectures,...

 

... lever la tête, regarder tout ce qui fait ma vie, nos chimères.

lundi 4 avril 2022

En rentrant de "Seule la Terre est éternelle"

 Peut être une image de 1 personne, ciel et texte

04.04.2022 – mail à François Busnel

Voilà, appuyé sur la touche « envoyer », seuls les noms de Busnel et Harrison étaient inconnus au correcteur automatique.

On verra bien.

*

Cette nuit, rêve de livres perdus. Je cherchais, en moi, dans les étagères de cette maison onirique qui me semble si familière à présent. Me réveillant en demi-sommeil, je pensai « je n’ai plus qu’à les écrire, si je ne les retrouve pas ! ». J’ai cru un instant pouvoir saisir un cahier et un stylo, allumer pour noter, mais non, je me suis rendormie.

Puis quelques heures après, réveil brutal à l’heure de la sonnerie programmée : j’étais dans une ville inconnue mais ensoleillée, entourée d’enfants dont je m’occupais plus ou moins, sorte de grande sœur ou baby-sitter improvisée. Nous étions dans une maison, avec des adultes, puis moi seule avec eux et elles, petites filles et garçonnets insouciants ou tourmentés, l’une embêtait une plus petite, les autres jouaient au ballon ou à courir dans des escaliers en béton, près d’un parc public entouré d’une grande avenue et de petites collines boisées (comme près de chez les boss de Noé à Trois Rivières, leurs noms m’échappent tout d’un coup).

Soudain le bruit d’un avion, comme la sourde stridence qui bientôt déchirera nos tympans, je conseille aux enfants de mettre les mains sur leurs oreilles et regarde vers le ciel, bleu bordé du vert des arbres, on est en plein été. Ce n’est pas un Mig mais un avion de ligne qui paraît décoller, il ressemble au Lego blanc Air France acheté à Felix un jour de départ en vacances à l’aéroport de Nantes, on fêterait ses 7 ans là-bas sur l’île chaude et douce. Je réalise en un centième de seconde qu’il penche et va bientôt s’écraser, mon Dieu, il plonge vraiment vite et j’ai juste le temps d’entraîner les enfants sous l’escalier. L’explosion est brutale, à quelques centaines de mètres derrière le bosquet près duquel ils et elles s’amusaient à l’instant d’avant.

Je redresse la tête en leur ordonnant de rester à l’abri, le nuage est épais et des débris sillonnent le ciel bleu zébré de noir et gris en toutes directions, braises et fragments de tôle tordue volent de toutes parts, passent au-dessus de nous pour retomber quelques mètres derrière, où des gens courent en tous sens pour échapper à ces projectiles mortels.

Et donc, le réveil sonne, petites notes de piano lançant délicatement le début de la journée, ce n’était qu’un rêve, ou plutôt qu’une assertion de mon esprit, les questions surgissent : que dois-je en faire, quel est l’avenir annoncé par ces images, de quel passé surgissent-elles… mais déjà la maison s’éveille, action.

Plus tard, à la radio, j’entends les exactions reprochées à l’armée russe (des jeunes soldats ivres) dans les villages ukrainiens libérés ces derniers jours. L’horreur est dans le poste, confirmation des dépêches AFP parcourues hier soir avant de m’endormir. Je coupe le son, regarde mon fils laisser une tartine entamée sur la table du petit-déjeuner, le soleil se lève, j’ai mal au cœur, à l’âme, aux yeux et au cerveau, tant de détresse partout dans le monde, mais il fait beau, froid, mais beau.