Quelques traces du soleil de
saint de glace au loin là-bas.
Un palet au sarrasin, deux-trois
carrés de chocolat aux fruits rouges d’une fabrique locale (Locoal), le goût
des bonnes choses et la tristesse de l’inaccompli.
Ombres chinoises toujours et encore,
l’envie d’un dernier verre avant l’oubli me titille et je frime entre dernier
bisou aux joues tendres et chaudes, ultime rangement de fin de journée bric à
brac, pensées anxieuses ou rêveries vaines.
Les faux-semblants s’accumulent,
les touché-coulé des jeux de l’humour et du hasard, je tangue et balance entre
insouciance et effets de langue. Ou l’inverse.
Et je m’en veux. Et je tripote
mon indécision avec la plume acérée de Kaa en pleine tentative de séduction. Mais
le ciel vespéral me nargue de ces teintes doucereuses parsemées des courants
froids de la bise printanière. Les saints de glace, ils ont ça aussi en Savoie ?
On pourrait se méprendre et
tenter un dernier verre en terrasse, tant les lueurs ressemblent à celles d’un
mois de juillet finissant. Une étoile commence son boulot de guide nocturne,
les branchages frémissent, la lune doit être là, quelque part, fine et
brillante dans le firmament encore déserté. Ou bien elle se fait belle, tapie à
l’Orient ou se repose, déjà éteinte au couchant.
Chacun s’est maintenant glissé
dans les bras de Morphée, les esprits valsent ou transpirent en d’autres lieux
et songes, tout est calme, je respire. Les souvenirs fugaces des épines du jour
ne lancent plus ma peau que de vagues mémoires hirsutes, je peux enfin
reprendre en sa dernière halte le chemin tranquille ou houleux de mes
complaintes passées.
L’entraide ou les reproches, les
vagues de dégoût ou les vastes plaines de batailles inachevées, tous ces êtres
de chair et de sang malmenés par la haine et la cupidité se dressent tels des
fantômes, vacillantes silhouettes que l’horizon avale et enterre sans regret en
une ligne parfaite.
Je suis seule à présent, dans le
rectangle parfait de lumière bleutée, parlant aux passagers clandestins de ma
vie, aux figures aimées si bien dissimulées aux replis de mon âme. Le bleu gris
tant chéri encadre mes pensées d’une douceur bénie, personne ne l’atteint, nul
ne peut le détruire. L’univers m’appartient, me suffit de le dire. Les ombres
sont amies, les pénombres reluisent d’une infinie brillance qui me guide et
protège.
En d’autres temps peut-être, j’aurais
pleuré, gémi, mais ce soir grâce au ciel, aux fleurs et aux chimères, je peux
enfin goûter le silence et la paix.
Merci.