dimanche 30 mai 2021

Bonne Fête Mamans

 

Marie-Rose, Maria, Louise, Maman

 Mères, grand-mères, aïeules

 aujourd'hui 30 mai, votre, notre « fête »…

Quelle émotion à vous sentir si proches, là, dans mon cœur, et si lointaines aussi, là-bas, où tout n’est que lumière… Maman encore ici présente, que je peux toucher, embrasser, entendre encore et voir sourire surtout, quel bonheur inégalable !

Voir sourire sa maman, c’est une éclosion de muguet au début d’un mai frileux, c’est une explosion de jonquilles dans le sous-bois qui s’éveille, c’est un embrasement de pivoines au détour d’un jardin abandonné, c’est une pluie de feuilles d’automne dans la cour du lycée où on se perd un soir d’octobre, c’est la dernière rose de l’année veillant sur novembre embrumé, c’est une myriade de papillons aux creux des hellébores d’hiver, c'est un éclair de mimosa aux confins de janvier. Alors que rien ne prévoyait le redoux, on a vu surgir le velouté de leurs couleurs éclatantes, et le ciel s’est ouvert pour faire place ample à nos plus humbles souhaits de douceur.

Mes Maman, Mamie, Grand-Mamies… Nous sommes du même sang, du même flux d’amour et d’énergie, semblables dans nos pensées, identiques amours. Nous semons l’espoir, la vie contre toutes les vilenies, l’en-joie d’un lointain prometteur, la liesse de nos cœurs à jamais unis.

À cet instant, je vous sens proches de cette petite chambre bâtie de l’amour d’un homme, de la foi transmise par nos familles en un destin commun, de la beauté des gestes maintenant inscrits dans les veines du bois qui forme notre logis. Étrange sentiment d’accomplir un vieux rêve, une résolution ancienne qui aurait traversé le siècle et prendrait maintenant la plus belle forme, sous mon stylo et à travers l’influx nerveux qui traverse nos esprits, âmes, muscles et peau, pour toucher ici au plus tendre des aboutissements : enfanter.

 Je suis fière d’avoir mené jusqu’à aujourd’hui la barque instable du souvenir, heureuse d’avoir réussi ce qui semble être ma raison de présence ici. Je sens le souffle profond des femmes de ma famille, caractères aguerris aux félonies diverses, des hommes ou du destin, qu’elles ont dû affronter au long des décennies.

Il y a tout juste un siècle, Louise se prépare aux épreuves du Brevet d’Études, sésame d’une existence qui se distinguera des vies rurales ou domestiques auxquelles sont habituellement vouées les filles de son entourage. Elle étudie vaillamment, brave enfant d’une dizaine d’années dont le frère est déjà le héros de la petite fratrie, le souvenir du doux visage de son père trop tôt disparu, la promesse d’un avenir radieux garni d’honneurs, de beaux voyages et de réussite. Elle sait bien qu’il lui faudra vaincre timidité et angoisse, se détacher de l’amertume et des tristesses infinies de sa mère pour tenter de s’embarquer sur le vaisseau du monde qui vibre et brille à quelques brasses de la rive. Elle sait déjà, petite fille fluette née quelques semaines trop tard pour connaître le doux sourire et les mains agiles de son père, qu’il lui faudra sourire deux fois plus, cligner des yeux pour en chasser les larmes et faire face à la lumière trop crue du monde hostile, ou bien ombrer son regard de mystère pour ne point en laisser paraître les émois ou les craintes.

Cent ans plus tard, il m’est donné de raconter cela, les rires et les incertitudes, les ombres et les volutes d’une vie de trinitaine qui ne le fut qu’à peine.

La peine, justement, qu’en dire ? Ou plutôt, parlons-en !

Tu me fais de la peine, c’était pas la peine, ça n’en vaut pas la peine. Et le plus beau : toute peine mérite salaire. Qui a payé pour toute la peine endurée par ces peines multiples, innombrables, infinies ? Quelle est la valeur de ces heures de disgrâce, de honte ou de mépris, qui ont causé dans le cœur de ces femmes, de ces mères, toutes les peines du monde ? J’ai de la peine, j’en veux à peine, juste une lichette, trois fois rien, une chimère, un soupçon, que ferais-je de plus, ce serait trop… Et aussi, une peine comme une sentence, c’est bien fait, mérité, le jugement est prononcé, c’est une lourde ou juste peine, mais toujours sans sursis.

En tout cas le fardeau est toujours aussi lourd aux épaules des femmes, des mères ou des plus vieilles. Alors que fêter demain, comme en chaque dernier dimanche de mai depuis qu’un Maréchal (l’était-il déjà ?) a décidé d’honorer les nourrices de la nation, les matrices de l’ordre tranquille, les louves allaitantes de l’harmonie nationale ?

Je sais des mères exsangues quand d’autres ont l’opulence, je vois des mamans chastes quand d’autres sont putains, en tout lieu elles sont belles, malgré le sang versé, les hontes ravalées et l’injustice bue.

Je vois des pères aussi, derrière chacune d’elles, qui pour les faire briller, ahaner ou sourire, ont eu, au moins une fois, en eux l’étincelle de la vie.

Quand une femme est fêtée pour sa maternité

Quand une femme est bafouée d’avoir enfanté

Quand une femme est reniée d’une faute à expier

Quand une mère contre tous embrasse et hisse et pousse

Quand une fille allaite, étreint et rit et jouit

L’humanité entière s’élève en une danse ailée.

 Ce jour Marie-Rose, Maria, Louise, Maman, vous êtes là dans mon cœur, nos âmes vibrent ensemble, vous m’avez amenée jusqu’aujourd’hui pour me souvenir de vous, vous aimer enfin pour celle que vous étiez, celle que demain grâce à vous je serai.

 *

 Il y a quelques jours, j’ai décroché le tableau-portrait d’une aïeule Le Rouzic (Maria ? Marie-Rose ?) de sa place vigilante au-dessus du lave-linge, pour le dépoussiérer et l’ajouter bravement à l’album des photos qui m’ont accompagnée, soulevée vers le meilleur, durant ces deux années de travail et de recherches sur des vies de Trinitaines à travers le siècle.

Depuis cinq ou six ans, elle veillait sur les innombrables sessions de travaux domestiques, les gestes immémoriaux du trier-laver-ranger si longtemps dévolus aux mères. À chaque lessive elle m’a rappelé combien sont importantes continuité et résilience. Ne pas lâcher ses rêves, même en versant un détergent ou en portant le linge mouillé vers le séchoir. Ne pas oublier de donner à ses pensées la force qui les fera jaillir entre deux passages de fer, ne rien céder aux exigences et obligations soi-disant maternelles, transformer le statut de mère en une œuvre essentielle, certes, mais sur un temps dédié, avec promesse de temps libre à venir pour créer autrement.

Et puis ces jours derniers, le tableau remis en lumière et en bonne place dans ma « pièce à moi » (Virginia Woolf, je t’aime), mon récit est passé d’ordinateurs en écran et papier pour toucher ceux et celles qui peut-être demain donneront vie à mes mots, à l’histoire de Maria.

 Je suis bluffée

Alléluia

Ps : Nora Morgendorffer j'ai aussi pensé à toi, fleur d'amour parmi les fleurs

 

 

lundi 24 mai 2021

le souffle de Pentecôte - l'esprit de Joseph

 

24.05.21 – En vrac

C’est le troisième mois qui s’ouvre se referme sans Joseph-Baptiste respirant quelque part le même air que nous.

Je ne peux pas le dire sur FB car pas légitime et trop honteuse d’étaler des sentiments alors que sa chérie d’amour Krystel, son tendre Pok Pok et des centaines d’autres personnes plus proches de lui pleurent sûrement aussi dans leur solitude amère.

Et pourtant. J’aurais tant à dire à me plaindre de ce manque immense, cet insondable gouffre où tombent les mots qu’il n’entendra pas.

Ou bien si justement, puisqu’il il est là-bas de l’autre côté, en trois mois il a dû s’habituer, tout du moins commencer peut-être, à jeter un œil une oreille sur ce qui se passe ici-bas.

bonsoir Joseph-Baptiste

Ben c’est pas glorieux, j’avoue, le monde va mal et on a pas trop de Cécile Coulon, Lisette Lombé, Jean d’Amérique et tous les autres – et Falmarès bien sûr, et les Mandart et tous les Gaspard Norrito et les Marie Cosnay et tant de belles personnes - pour tenter de pallier ton absence, cimenter les fêlures et colmater les brèches de nos sales tristesses.

Mais quand même, p***, tu manques !

J’aurais aimé que tu m’expliques Thierry Metz, cet homme qui penche et finit par tomber, quel sombre moment.

J’aurais aimé te croiser à la librairie "à la ligne" nouvellement ouverte et te faisant tellement honneur !

J’aurais voulu t’entendre à St Malo, à Ernée ou Laval, te donner à lire quelques lignes aussi, en écrire d’autres encore en te sachant souriant quelque part, à l’autre bout.

 Et les murmures de l’enfance, les échos de la vie d’avant, les promesses de calme et de quiétude sous les frondaisons estivales m’apaisent un peu. https://danslalumiererevenue.wordpress.com/2021/05/21/dissection-7-ailes-transparentes-dinsectes-enfance-revee/?fbclid=IwAR26qqxjtmu_8JxBY6FDttVhWttYQdQpGLlnPC6C1jxDw1DVxHO7lsiYMkM

 
merci également Les étonnants voyageurs pour tous les mots les regards et l'horizon dégagé de nos attentes, de nos futurs
https://www.facebook.com/search/top?q=etonnants%20voyageurs%202021
 
merci Cécile Coulon pour "le roi..." et autres déchirantes ouvertures sur l'ailleurs
 
merci Lisette Lombé pour "brûler..." https://www.youtube.com/watch?v=98O66VV0fS4 et la découverte de "Speak white" https://www.youtube.com/watch?v=sCBCy8OXp7I&t=4s
 
et après, Adieu les cons - d'où je ressors rincée, la seule à avoir applaudi et pleuré en même temps je crois.
heureuse de ne pas avoir regardé l'ITW avant : https://www.youtube.com/watch?v=Lr5jJGvkJHo , ça spoile grave – bouche-toi les oreilles entre 3:55 et 4:05
 
et enfin, les rappels d'une baie qu'on croyait disparue à jamais. SWB, Mayereau for ever - berceau de mon aîné, aujourd'hui bac +2, fierté et quiétude. https://www.facebook.com/100008869510802/videos/2583737988598493
 
allez, demain reprise, dormez-bien 



mercredi 19 mai 2021

Souvenir de St Malo - puisqu'on ne peut pas y être

 

Peut être une image de texte qui dit ’FESTIVAL GRATUIT ENLIGNE EN En direct de Saint-Malo etonnants-voyageurs.com SAINT-MALO Etonnants Voyageurs ULIVRE DUFILM FESTIVAL NTERNATIONAL 22/23/24 mai 2021 Coutbel’


Hôtel France et Continental – St Malo, le 15 juillet 2006

 Charme désuet et rappel de temps anciens, détails lourds de présence passée, ensemble majestueux autant que raffiné… dommage que l’élégance du bâtiment soit encadrée des vulgarités commerciales environnantes, il eut été plus agréable à l’œil et au cœur que l’accès à ce magnifique hôtel fût aussi charmant que son intérieur.

Les relents de cuisine bon marché et les brouhahas des crêperies et autres « moules-frites » qui jalonnent le pavé malouin jusqu’en cet endroit magique m’avaient presque dissuadée de mener plus avant ma pérégrination sur les traces de Cartier et Surcouf… mais là, au détour de la placette où jonglent troubadours et portraitistes, au son d’un flûtiau et d’une mandoline, l’entrée par les grilles forgées efface comme par magie la pénible sensation d’errer dans un Disneyland bretonnant.

Ici, on pénètre tout d’abord en croyant entendre l’écho d’une calèche claquant du sabot de ses chevaux sur le pavé luisant… les portes de l’hôtel s’ouvrent à peine qu’on est déjà transporté au siècle d’avant celui qu’on a « enterré » récemment : « dans cette maison, le 4 septembre 1768, naquit Chateaubriand ».

Suit alors une foultitude de pensées, idées, souvenirs ou sentiments de « déjà-vu » qui nous propulsent à l’intérieur même de ces photos jaunies qui ornent les murs de la véranda d’accueil : on croit entendre les rires des dames en crinolines qui bavardent à l’ombre des platanes – ou étaient-ce des tilleuls ? – qui ombrageaient alors la terrasse du restaurant de l’hôtel. Quelques messieurs en canotier et costume sombre discutent âprement près du kiosque, on distingue en arrière-plan la mer et les parois abruptes de la fortification…

En grimpant le large escalier qui mène aux chambres, on perçoit en empoignant la rampe l’énergie dépensée par les milliers de mains qui ont eu le même geste depuis tant de décennies. Sur le palier, les lattes du parquet grincent sous l’épais tapis, on croit avoir déjà eu à l’oreille ce bruit qui porte en lui tant d’heures d’effort, végétal pour l’arbre dont est issu ce bois, humain pour les bûcherons, menuisiers, grooms et femmes de chambre qui l’ont fabriqué ou emprunté pour gagner le pain de leur vie. Les milliers de pas qu’ont amortis ces fibres ingénieusement mises en œuvre et patiemment entretenues font écho aux miens, que j’essaie de faire les plus légers possible en hommage à ceux et celles qui ont ainsi donné à l’ensemble de cet ouvrage patine et souvenirs.

On dit souvent « si les murs pouvaient parler », mais que ne dit-on plutôt « si les escaliers pouvaient nous raconter » ! Les murs ont peut-être des oreilles, mais les sols et en particulier les marches ou paliers en savent plus de l’humanité, d’une société, d’un lieu que bien des historiens. Le poids des hommes et des femmes, la façon de se déplacer en fonction de l’heure de la journée, de son âge, de sa position sociale, de l’endroit qu’on s’apprête à rejoindre ou celui qu’on vient de quitter, de l’action qu’on est déterminé·e à accomplir, des pensées qui chevauchent ou traînaillent en soi, du temps qu’il fait, qu’il fera ou qu’il a fait à quelques heures de là… autant de paramètres qui donnent à chaque pas sa caractéristique propre et, comme chaque instant d’une marée, n’est à nul autre pareil. Que ne peut-on traduire en mots, en phrases ou en romans les histoires que nous souffle le grincement des lattes du parquet d’un grand hôtel !! Et qu’il est triste et froid, en comparaison, le son sourd et lourdaud de l’ascenseur qui monte et descend péniblement les touristes avachis par l’inactivité de leurs vies modernes du « tout motorisé » !

Chateaubriand, j'aimerais te voir renaître en cette maison, revenir nous raconter le temps béni où tu trouvais les mots, les rimes et tout le romantisme pour embellir nos vies, leur ôter l'inhumain, les rendre plus supportables que celles d'aujourd’hui !