lundi 2 novembre 2020

02.11.2020 - Hommage à Samuel Paty

 Avec le requiem de Mozart entre les oreilles -https://www.youtube.com/watch?v=Dp2SJN4UiE4

Viendront Fauré et peut-être d’autres, si le temps, ma discothèque, les pérégrinations sur le web et l’envie m’en donnent le choix.

Gorge bloquée et respiration hésitante, fourmis dans les mains autant que dans le cerveau.

« Exaudi orationem meam » - écoutez ma prière !

Envie de peindre mais je ne sais pas, faire un collage mais où trouver le temps de rassembler les matériaux, je n’ai que des tas de magazines et de la colle et des ciseaux mais …

Écrire. Ce sera le mieux, ça je sais faire, j’ai les outils et tant de kilomètres de scribouillages et dactylo derrière moi. Et cette immense tristesse de ne savoir que faire de ces compétences, ce talent disent certain·es, si ce n’est griffonner encore et toujours et n’en rien montrer ou à si peu de personnes, toujours les mêmes, celles qui approuvent, ressentent, pleurent ou rient sur les mêmes sujets que moi selon les aléas de l’air du temps, de la lune ou des saisons.

Mais cette certitude ce matin que oui c’est ce que j’ai de mieux à faire, écrire. Écrire pour dire, pour ne pas pleurer à l’intérieur, pour exprimer cette douleur ces sourires enfouis sous des tonnes de cafard, cette enclume qu’on aimerait soulever une fois pour toutes de nos esprits et nos cœurs concassés, … « Dies irae, dies illa solvet, saeclum in favilla » - Jour de colère que ce jour-là, qui réduira en cendres le monde…

et voilà, c’est reparti, le piège se referme. Tout va trop vite ou trop légèrement, je voudrais le temps de la profondeur, l’espace du rêve et toute l’harmonie que la Terre peut offrir. Au lieu de ça je regarde les feuillages peinant sous les bourrasques, leurs tendres tentatives d’automne aux embellies flamboyantes furieusement balayées par le Suroît sauvage.

Et pourtant la douceur peut venir, elle est présente à chaque instant, dans les notes et les chants qui transpercent ma mélancolie, l’accompagnant de mille envolées subtiles vers un ailleurs apaisé… « Tuba mirum spargens sonum per sepulcra regionum coget omnes ante thronum » - La trompette, jetant ses notes stupéfiantes parmi les tombeaux, assemblera tous les hommes devant le trône...

 Manquent à mon âme meurtrie la faculté d’écouter mon cœur, l’aptitude à laisser la musique vibrer en moi, le lâcher prise pour m’élever sereinement et entrer dans la dimension de l’apaisement… « oro supplex et acclinis, cor contritum quasi cinis, gere curam mei finis » - je prie suppliant et prosterné, le cœur broyé comme cendre, prenez soin de ma destinée.

Tout doucement je sens le chemin s’ouvrir, un pâle rayon s’insinue entre les nuages, pourtant toujours caracolant d’Ouest en Est maintenant. Leur horde échevelée fuit-elle un champ de bataille plus amer encore, ou tache-t-elle seulement de rattraper le reste de la troupe partie assaillir d’autres cœurs, en d’autres contrées ?

À l’offertoire enfin je comprends quel pas de côté faire pour accueillir d’autres émotions, d’autres pensées… « Tu suscipe pro animabus illis, quarum hodie memoriam facimus » - recevez [nos prières] pour ces âmes dont nous faisons mémoire aujourd’hui…  La route est toujours aussi longue et chaotique mais l’horizon semble plus large au lointain. Prenant l’alternance des averses et des ciels plus dégagés pour modèle, je dois trouver en moi, au milieu des ramures, dans les mille et une brindilles du pré ou dans les courbes du ruisseau en contrebas, les allié·es de ma résilience, les signes et les guides fléchant le sentier vers un meilleur certain.

Enfin, « Lux aeterna luceat eis » – que la lumière éternelle luise pour eux […], quelle étrange, magique, merveilleuse élévation en compagnie des violons, chœurs… « Cum sanctis tuis in aeternam », oui, avec toutes les âmes, les cœurs et les esprits qui nous accompagnent en silence pour l’éternité, ouvrons-nous maintenant …

Merci Wolfgang Amadeus Mozart, du lointain tu nous tends la main.

RIP Samuel Paty

 

vendredi 2 octobre 2020

1er au 2 octobre 2020 - nuit d'Alex

 https://meteovoile.wordpress.com/2020/10/02/2020-10-02-depression-alex-un-phenomene-court-mais-violent/?fbclid=IwAR3JurXJwhf5YQ-pUbGojYDUXoHlanw2pOTYwM8QUEFFHpg3QotjqTGbpoY

et aussi :

01.10.2020 - 20h30 = 1000 hPa

21h30 – premières bourrasques

22h16 – ça monte

22h58 – premier coup de boutoir contre la toiture

23h14 – le vent pousse contre les murs + à coups

23h32 – Toc toc ça se précise à l’angle de la maison, ça doit encore être Sud car pas trop fort (on est planqués par la maison du voisin)

23h44 – une planche de la façade brinquebale par instants, selon l’angle ou la force des bourrasques

23h51 – plus rien. Pas un bruit. L’œil ??? je scrute les arbres par le velux ouvert, quelques bruissements tranquilles.

00h12 – toujours calme plat, silence. J’ai refermé la fenêtre. Vais-je me coucher ? ils sont où les 80 kn ? pas que ça serait chouette, en fait tant mieux si les modèles se sont plantés… mais c’est trop bizarre.

0h36 – ça repart doucement. En contact avec Delphine S. à La Trinité on a eu ce même ressenti « œil du cyclone ?»…

976 hPa : perdu 24 hPa en 4 h quand même !

00h44 – rebelote comme des vagues. Les gens sur FB !!! y en a qui n’ont rien comme ici tout à l’heure et qui font les blasés, d’autres qui voient passer la poubelle du voisin – et une : « ma voiture 😨😨 !! »

0h46 – ça monte, les planches et ardoises vibrent…

0h50 - ça y est c’est parti.

0h54 – merde la maison vient de bouger en entier. Coupure jus. Descente à la cuisine les arbres tanguent, trop peur qu’ils tombent sur le toit. Est-ce que je réveille les gamins pour les mettre à dormir dans le salon ? bruits de branches sur la terrasse, sur les murs. Éclairs, ça pue.

1h05 – Oliv vient aux nouvelles. Le jardin est noyé sous la pluie à l’horizontale. Les arbres gémissent.

1h16 – me fait chauffer un kfé, heureusement qu’on a le gaz - Alternance de gouttes de pluie, rafales, vrombissements. Essayé de regarder FB sur Iphone : 3G ça passe pas bien – 20% de batterie en 1h, faut que j’économise.

1h21 – à la table de la cuisine, éclairage 3 bougies, tasse de kfé fumant, je regarde l’heure de temps à autre sur le tel, au fur et à mesure que les rafales s’espacent ou se rapprochent.

Qu’est-ce qu’on fait si un arbre tombe, dans quel état on trouvera le jardin – le monde ? – demain à la lueur d’un soleil sûrement blafard ? ou pas du tout, comme toujours il faudra pousser la roue, tout n’est que vanité, incertitude ou colère, selon l’angle de vue, l’âge de la crémière ou le degré de compassion du voisin…

On croirait le vent moins fort que la pluie mais soudain il nous rappelle « c’est qui le patron »… éole, velin, wind ou ???... il est là, c’est sûr, quel qu’en soit le nom, et malmène avec la pluie les arbres, les champs et toutes les aspérités que l’homme a pu dresser sur la terre.

2h22 – après surf sur pages FB du préfet + quelques ami-es concerné-es, retour au calme du papier crayon à la bougie. Dehors, ça hésite encore entre calme plat et bruine ou averse drue et ébouriffage des branches restées entières.

Je vais tenter un repli bienfaiteur sous la couette, en espérant que le courant reviendra pendant mon sommeil. Déprogrammer le réveil de sept heures puisque les écoles seront fermées jusqu’à lundi. Oublier qu’on a bu trop de café ces dernières heures. Essayer de penser à autre chose qu’à la fin du monde = un arbre qui tombe sur les voitures ou pire sur la maison.

Bonne nuit… 2h27 – 976 hPa

Et après, en me couchant, je réalise qu’un (des ?) arbre est tombé entre travers du champ du voisin. Les chevaux sont énervés, piétinent les branchages sous la lune qui joue avec les nuages. Y a-t-il quelqu’un en dessous ?? bruits de sabots et branches écrasées… la jument et son poulain du printemps caracolent dans tous les sens sur le pré gorgé d’eau.

3h30 – je suis encore éveillée.

5h15 – j’entends Oliv essayer de remettre l’élec, je me lève – frissons sur le carrelage froid. Je mets de l’eau à chauffer pour son petit dej (merci le gaz) mais pas le courage de rester ; je me recouche pour une série de rêves cauchemardesques, fuite ou tentatives de sauver le monde ?

7h – mon réveil pas éteint, grrrr !! plus tard, bruits dans la maison, les enfants, Oliv ?

8h30 – le chauffage se remet en route, j’entends les kids et Oliv qui repart bosser.

8h44 – premiers constats des dégats : branches d’arbre plein le champ, comme pelées des troncs sur plusieurs mètres. Quelques photos et SMS plus tard, en larmes au téléphone avec Papa, je réalise le stress de la nuit passée.

9h30, je sors saluer les braves arbres qui ont vaillamment résisté, prendre quelques photos de plus près dans le soleil lumineux et l’air fraîchement lavé.

Matinée à recenser les arbres tombés, routes coupées un peu partout, etc…

 

 

 

jeudi 14 mai 2020

14.05.2020 – 22h19 – les enfants enfin couchés



Quelques traces du soleil de saint de glace au loin là-bas.
Un palet au sarrasin, deux-trois carrés de chocolat aux fruits rouges d’une fabrique locale (Locoal), le goût des bonnes choses et la tristesse de l’inaccompli.
Ombres chinoises toujours et encore, l’envie d’un dernier verre avant l’oubli me titille et je frime entre dernier bisou aux joues tendres et chaudes, ultime rangement de fin de journée bric à brac, pensées anxieuses ou rêveries vaines.
Les faux-semblants s’accumulent, les touché-coulé des jeux de l’humour et du hasard, je tangue et balance entre insouciance et effets de langue. Ou l’inverse.
Et je m’en veux. Et je tripote mon indécision avec la plume acérée de Kaa en pleine tentative de séduction. Mais le ciel vespéral me nargue de ces teintes doucereuses parsemées des courants froids de la bise printanière. Les saints de glace, ils ont ça aussi en Savoie ?
On pourrait se méprendre et tenter un dernier verre en terrasse, tant les lueurs ressemblent à celles d’un mois de juillet finissant. Une étoile commence son boulot de guide nocturne, les branchages frémissent, la lune doit être là, quelque part, fine et brillante dans le firmament encore déserté. Ou bien elle se fait belle, tapie à l’Orient ou se repose, déjà éteinte au couchant.
Chacun s’est maintenant glissé dans les bras de Morphée, les esprits valsent ou transpirent en d’autres lieux et songes, tout est calme, je respire. Les souvenirs fugaces des épines du jour ne lancent plus ma peau que de vagues mémoires hirsutes, je peux enfin reprendre en sa dernière halte le chemin tranquille ou houleux de mes complaintes passées.
L’entraide ou les reproches, les vagues de dégoût ou les vastes plaines de batailles inachevées, tous ces êtres de chair et de sang malmenés par la haine et la cupidité se dressent tels des fantômes, vacillantes silhouettes que l’horizon avale et enterre sans regret en une ligne parfaite.
Je suis seule à présent, dans le rectangle parfait de lumière bleutée, parlant aux passagers clandestins de ma vie, aux figures aimées si bien dissimulées aux replis de mon âme. Le bleu gris tant chéri encadre mes pensées d’une douceur bénie, personne ne l’atteint, nul ne peut le détruire. L’univers m’appartient, me suffit de le dire. Les ombres sont amies, les pénombres reluisent d’une infinie brillance qui me guide et protège.
En d’autres temps peut-être, j’aurais pleuré, gémi, mais ce soir grâce au ciel, aux fleurs et aux chimères, je peux enfin goûter le silence et la paix.
Merci.

jeudi 16 avril 2020

15.04.20 - au soleil couchant



Ok, y aura pas de wagon plombé ni de rafle en plein mois de juillet. On pourra continuer à croire, ou pas, en des messies ou des pythies, des gourous ou des shamans. Et aussi partager des idées lénifiantes ou subversives, déblatérer à l’infini sur les déboires et les succès, se gargariser de belles actions ou se taire. Tant que la route sera libre pour y marcher, même pour une seule heure et pas au-delà des mille mètres réglementaires, ça ira. Les ailes rognées, les pieds salis et les mains moites, on survivra. Sans se plaindre.

Mais quand même, les jardins taillés au ciseau, les allées bitumées javellisées et toute la cohorte de voitures propres rangées dans des garages aseptisés, ça m’angoisse. Et aussi les appels à l’ordre et les regards en biais quand je passe devant certaines fenêtres, ça me stresse.

Je voulais du sourire et des éclats de bonheur à chaque coin de journée, je croyais que demain serait plus merveilleux qu’hier, j’espérais voir éclore les mille graines semées au fil du voyage en un magnifique bouquet de lendemains pétillants, et puis là non, en fait, ne pas faire de plan, ne plus émettre la moindre idée, surtout ne pas monter en neige légère les œufs précieusement ramassés au poulailler de mes envies. 

Mais plutôt repasser les craintes, plier les faux-semblants bien propre selon les pointillés, timbrer bien léché les enveloppes du destin pour qu’elles parviennent au grand ordonnateur en temps voulu et heure impartie, afin de participer au Tout puissant et universel.
Et aussi expliquer aux enfants que non maman n’est pas triste, juste très inquiète de les aider de son mieux (qui n’est parfois pas assez, je le sens bien) à grandir dans un monde qu’elle ne comprend plus. Si tant est qu’elle l’a un jour capté dans son entière étrangeté. Mais ça c’est le conte de la mille deuxième nuit, il est pas écrit en fait.

Alors vaille que vaille s’arrêter après la maison hideuse abritant les parfaits citoyens lambda, détourner le regard et les pensées de leur pitoyable pavillon et sa pelouse au cordeau, leur présenter un dos vouté et des épaules un rien avachies, mais lever le regard vers les tendres verts du chêne centenaire qui leur masque le levant et les abrite des vents d’hiver, et attendre le chant du rouge-gorge qui ne va pas tarder à saluer les derniers rais de soleil de son savant chant de joie.

Voilà, la Nature nous rassure, nous protège et nous guide, si on sait la voir, la laisser nous montrer, lui permettre d’exister. Remercier les ramures, les enchevêtrements du lierre et l’enlacement du gui, le vol de l’hirondelle et les pointillés des derniers insectes, là dans le contrejour d’un crépuscule divin.

Et retourner tranquille, toujours triste mais tranquille, resserrer les étreintes, raviver le désir.
Pour demain one again, same player etc.