samedi 3 mars 2018

un matin de neige encore



Le paysage en noir et gris foncé.
La fraîcheur de la dalle au réveil.
Les mains rouge glacé, les yeux des enfants qui brillent.
S’enfoncer dans la poudreuse pour connaître encore et encore le plaisir sauvage du crissement de la neige légère, la sensation étrange d’être portée par de l’eau finement ajourée.
Chausser les skis, glisser sur de la dentelle et filer dans l’air frais, transpercer l’oxygène et savourer les caresses griffantes du premier soleil de printemps – ou est-ce le dernier de l’hiver, après tout on n'est que le deux mars !
Les gros flocons ont remplacé la neige fine du petit jour, la température remonte mais tout tient encore, au sol, sur les toits et dans les creux du jardin.
La rive d’en face s’enfonce dans le brouillard humide, les arbres reprennent leur style hivernal, le lac se compare à la plaque de marbre du pâtissier, les sommets s’estompent et des formes fantasmagoriques naissent peu à  peu.
Le temps s’arrête, calfeutré dans le coton glacé, petit répit dans notre course permanente. Pouvoir profiter de cette halte, bien emmitouflés, sans attendre le redoux qui transformera l’immaculé en immonde mélasse frigorifiante.
Et boire un thé bien chaud près du poêle avant d’aller déneiger. Et après aussi.
Sevrier, 3 mars 18

mercredi 28 février 2018

dans douze jours le 11 mars



Le temps s’écoule, me bouffe, me grignote.
Souris malicieuse ou monstre malin, je ne connais pas son contour. Son ossature pèse sur ma vie mais je ne sais comment le prendre, l’empoigner, l’éviter ?
Chaque jour je crois que c’est bon, chaque nuit il me rattrape, m’enserre, m’étouffe.
Ou est-ce une donnée, un élément de l’air, une molécule en moi ? les minutes et les mois impavides sont juste les témoins de cet acharnement à me voir déraper, glisser, renoncer puis reprendre espoir…
Suis lasse de cette guerre épisodique, ces alternances me rongent, ma jeunesse s’effrite et les rides se creusent.
Triste sentiment de n’être qu’une description d’érosion, un extrait de manuel de géologie pour classe de 3ème.
Je me fais un petit dej vitaminé et je descends au  village.
Pousser la roue.
Dans douze jours j’ai 49 ans.
Sevrier, 28 fév-2018

lundi 26 février 2018

Petite fourmi dans la grande plaine



Petite fourmi dans la grande plaine, j’avance à pas menus mais rapides.
L’angoisse me pousse, ou est-ce l’envie, un jour meilleur, le pire derrière.
Ne pas me retourner, laisser les larmes couler, ça fera toujours ça de pris pour drainer les sueurs et hydrater ma peau, en effacer les salissures d’hier.
Ne pas replonger dans les sinuosités du chemin d’antan. Croire dans le jour qui se lève. S’attacher fermement aux nouvelles idées, au ressenti de l’instant.
La lumière toute neuve pour seule guide. Pas de maître. Pas de bagage. Refouler les mots qui disent trop.
Aimer la distance à parcourir, pour le bien qu’elle va m’apporter, pour l’horizon à découvrir.
Revoir brièvement les images aimées, garder ancrés profond tous les souvenirs de bonheur. Pas un de plus.
En fabriquer d’autres. Tout doucement. En commençant par celui d’être en vie. Debout.
Ne plus dire « rappelle-moi, suis dispo, quand tu veux ».
Juste être là, entière, ou pas. Point.
Trouver le rythme, le garder. Longue foulée ou errance calme, va savoir… ça fait juste vingt ans que je cogite, y a de la marge.
Prendre le temps de tout poser, dépecer les misères, les ranger dans un coin et les momifier.
Ne pas se laisser dire comment faire. Le faire. Point.
Pouvoir regarder dans les yeux de celles-ceux qui savent et leur faire confiance.
Me laisser aller à croire en moi.
T’as vu comment je progresse ???
Sevrier 26 fév. 2018