dimanche 3 septembre 2023

Des confitures et lire – écrire aussi, peut-être.

 


Au retour de la plage où s’est évanouie la tendresse brièvement retrouvée (à peine), je vais faire ce dont je suis capable : des confitures et lire, écrire peut-être.

En lieu et place d’argumenter de continuer à expliquer d’essayer de soutenir valeurs idées et tentatives de préserver un peu de ce qui me fait tenir debout tête au vent (sentiments et choix de vie), cueillir les mûres comme on cherche des mots, une à une, planquées entre les ronces qui griffent et s’agrippent aux vêtements (l’entourage, la société le monde, ces nervures ces cadres ces carcans), empêchent d’attraper les plus noires, les plus juteuses, telles les pensées qui s’effilochent au fur et à mesure qu’on croit les saisir, les observer - prélever d’elles la douceur et le soleil, l’énergie et l’eau qu’elles ont reçu du ciel, de la terre et de l’air qui vibre entre.

On croit en avoir un kilo dans le sac (le cerveau), ça pèse un peu plus à chaque tournant de talus, mais rien de sûr alors on continue, au prochain sentier on revient, mais là-bas on aperçoit une autre manne et on ne s’arrête qu’en voyant le soleil vraiment bas là-bas derrière les pins.

On prend son temps et on s’empresse à la fin, on a hâte de verser les microcosmes (ces univers) dans la grande gamelle, trier une fois ultime baies de leur pédoncule agrippé, ôter brindilles et minuscules insectes, ces garde-chiourmes de la biodiversité, pour ne garder que les joyaux noirs ou timidement rose parme (Mamie, je n’oublie pas que pour faire un délice il faut quelques fruits non encore mûris).

Comme on a rempli le récipient, en silence et frénésie dans l’entrelacs des neurones qui relient l’esprit au cœur, on a un à un assemblé les mots en grappes de phrases, broussailles de pages qui forment un beau landier de feuilles. On a versé le sucre, cette grammaire qui liera sens et goût, en justes proportions. On l’a laissé faire son boulot, une nuit entière où sous la lune rêves et tristesse ont dilué sucs et pensées.

Au matin, nous y voilà, on fait bouillir on écume puis on touille. Après, passer au moulinet qui égrène et compresse les grains gorgés de sucre pour en tirer la masse sombre et délicieusement parfumée qui va remplir bientôt petits et grands bocaux. Un petit pour Maman, qui ne mange plus rien, un plus gros pour Papa, qui veille à s’en bleuir les cernes, un joli pour Dadou, une dizaine pour les fils, ami.es, anciennes amours, et le reste pour Mamie, en mémoire. Et à chaque moment, l’eau de mes larmes pour irriguer les dernières émotions qui partent sous les couvercles, pots retournés, attendre que le temps la chaleur et le sucre aient fait leur œuvre, merci.

Ensuite pendant après, penser triturer ramoner le fiel des gestes détournés l’amère impression d’emmerder l’acide venin des non-dits des impressions des crachats sur l’envie de rire de se réjouir de partager de s’enivrer de la beauté du jour d’un regard de l’enfance d’une pirouette d’avenir.

Se réveiller un premier dimanche de septembre c’est tout ça. Aussi.

©Gwenn Abgrall – sept. 2023