mardi 31 mars 2020

Lundi 30.03.2020 – avant d’éteindre pour la dernière nuit de mars.

bilan de "mon" mois, le plus long de l'année, le plus étrange de ma vie...

Rien de fait au final, juste des procrastinations en série, de drôles de moments tristes, des minutes entières à regarder dehors, par la fenêtre refermée sur décision préfectorale puis nationale.
Du 1er mars où nous préparions une rentrée scolaire après villégiature dans les Alpes, n’est resté qu’un goût bizarre de « ben non finalement, on reste à la maison ». Trente jours demain que le chemin de l’école s’empoussière, que les cartables restent béants sous la table, la rouille pourrait poindre bientôt sur leurs fermoirs si l’on n’y prend pas garde.
Trente nuits aussi à scruter l’écran donnant sur le monde, la Chine puis l’Italie, l’Iran et la Corée du Sud, suivis d’une cohorte de pays, de contrées et de peuples dont on n’aurait pas parié à Noël qu’ils susciteraient bientôt tant d’intérêt autre que géopolitique ou vaguement touristique (ou l’inverse en fait).
Comprendre ce qui point, cette immense vague de miasmes toxiques, cette marée montante de craintes et de faux espoirs vite déchantés. Analyser avec nos petites cervelles, ressentir avec nos pauvres cœurs désuets, les énormes enjeux et les petites entourloupes des gouvernants, les ascensions de montagnes démesurément hautes par des équipes de soignants exténués, les gouffres vertigineux de l’absence de raisonnement où l’écho de quelques étoiles se fracasse de paroi en moraine.

Et perdre des êtres chers, plus ou moins proches mais si importants à nos vies de petits plaisirs et brefs instants de poésie… la poésie justement, renoncer à une formidable opportunité de dire en public, de chercher activement l’éditeur ou la personne capable de lire avec intérêt, voire de publier ces feuillets qui ont peu à peu envahi ma vie...
Ranger le programme du Printemps des Poètes à la lettre C comme courage, le thème de l’année était pourtant si prometteur d’éclosion, d’énergie, d’envol !!
Continuer à échanger avec Joseph Ponthus-Le Gurun, à lire Apollinaire ou Gaëlle Josse, reprendre le Harrap’s pour comprendre mieux le monde au prisme d’une Harvard Business Review ou de blogs de médecins chinois ou de quidams italiens… et aussi tout arrêter, recherches généalogiques, balades en chemins creux trinitains ou échanges avec les anciens, les descendants ou les riverains de la vie d’avant… Pour mieux se poser, écouter pousser l'herbe au matin et regarder les oiseaux clore le jour en de magnifiques couchants... pour mieux aimer aussi, les enfants, le soleil, le vent et nos parents.

Et ce soir à l’écoute du Requiem de Mozart, le son entre les oreilles sans déranger la maisonnée endormie, je m’extraie du brouhaha mondial, de l’atonie soudaine de toutes les récriminations et jérémiades en tout genre qui ont accompagné ces trente derniers jours.
Des cours de piano, maths ou anglais, des cavalcades entre les rochers ou par la forêt avant que le couperet du confinement ne nous laisse plus le choix que les 842 m² de notre gazon de pâquerettes neuves ou la vicinale qui borde notre home sweet hameau – ce qui est, nous le reconnaissons depuis le premier matin, un luxe éperdument bienvenu ! – de tout cela il ne reste que des souvenirs, encore vifs de l’air marin ou du sous-bois printanier aspiré goulument dans notre soif de goûter au printemps. Désormais tout se joue à domicile et en visuel seul.

Pour ne pas faire honte à celles et ceux qui s’épuisent en des services de réa ou des EHPAD surchargés de morbidité, je reprends en pensée ces chemins doux à ma mémoire, ces allées-venues sans raison et tous ces instants précieux de liberté. tenter de les transformer en futur sera la tâche d'avril, si on nous prête vie.

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