mercredi 14 février 2018

Salut chère Mam' Caro



Salut chère Mam' Caro,

Notre vie ne s’est pas arrêtée le dernier jour où on s’est vues, c’était chez mes parents dans les vignes du Sud nantais et depuis ce jour où tu as tourné le coin de la rue avec ton amoureux américain je ne t’ai plus revue sauf en photos sur FB depuis quelques mois où je t’ai retrouvée, par hasard ou presque.

Salut vieille amie de mon enfance-adolescence, ma première vraie meilleure amie, celle qui comprend et pardonne mais reste si mystérieuse, salut ma propre enfance et mon devenir incertain, quarante ans que je me regarde grandir et qu’est-ce que ça donne ?
Des envies des désillusions, de grandes aventures à ma petite échelle de Maouezig, de belles navigations sous le soleil et quelques unes dans la tempête, mais si peu de misère en fait que j’en ai honte de m’exprimer…

Mais pour ma grand-mère, celle qui n’a pas su, et pour l’autre aussi, celle qui n’a pas voulu, et pour toutes les femmes de ma vie, de mon histoire, et pour toutes celles qui ne savent même pas qu’aimer existe, que la beauté du jour peut égaler l’horreur des nuits, pour tous les êtres qui se noient dans la violence d’un méchant ou les larmes des disparus, …
Pour tous et surtout mes enfants, pour ces quatre gars qui m’en veulent parfois de les avoir mis au monde, mais non qu’est-ce que je raconte ils doivent bien m’aimer quelque part, à un moment ou à un autre, malgré mes cris, mes regards fous et mes incohérences.
Pour celui qui m’accompagne et sait me pardonner à chaque instant, malgré mon égoïsme de presque schizophrène, toutes les fois où je lui manque de respect en prétendant savoir mieux, savoir trop, sentir à outrance et aussi toutes les fois où je pleure alors qu’il est fatigué de bien d’autres craintes mieux fondées.
Pour tous les êtres brimés, niés, maltraités, il faut que je continue, que je dise, que je lâche tous ces mots et ces phrases qui peut-être pourraient leur rendre hommage, vie, dignité.

À toi chère mam' Caro, douce oreille de mes 12 ans, tendre main ouverte dans ce nouveau monde qui nous paraissait si bon, si merveilleux… que veulent dire tes yeux fatigués, que nous apprennent ces magnifiques photos de ta vie australienne ?
Tu me parais pas bien épaisse, mais l’as-tu jamais été ? tu souris mais je ne retrouve pas l’éclat de nos treize ans, tu te réjouis d’être en famille mais où es-tu vraiment ?
Je divague et m’égare, en trente ans oui c’est bien normal de ne pas te retrouver intacte, que t’a fait la vie, que t’ont infligé les années ?

J’aimerais te voir là, à quelques doigts de te toucher, à quelques centimètres de sentir ton parfum, voir ton visage en vrai, pouvoir te serrer dans mes bras et te dire ‘hey, salut, Mam’Caro, wie geht’s ?’
Mais non, moi ici Breizh Izel, toi là-bas New South Wales.
Ok.
Bon et sinon quand est-ce qu’on se voit ?

y paraît que c'est la youpi-tralala des Zamoureux, 14 février 2018

mercredi 10 janvier 2018

oups trois ans ont passé

coucou de la nouvelle année...
je viens de retrouver ça, pas très fière de moi en fait...


"Moi ce que je fais c’est pas important.
Ça prend quelques  heures dans une journée mais c’est pas ça qui fait tourner la boutique, comme ils disent.
Tu vois rien que ces deux phrases, c’est déjà toute ma vie, on pourrait s’arrêter là.
Oh bien sûr, y en a qui vont trouver que j’exagère, bien calée devant un ordi portable, avec le poêle qui ronronne à côté et tout le confort d’une maison bien équipée et tout et tout.
Et que les deux mômes qui viennent – enfin – de s’endormir là-haut, je les ai bien voulus, donc j’ai pas à me plaindre.
Et que d’autres se font taper dessus, sont obligées de porter un voile pour sortir dans la rue et n’ont pas le droit de dire ce qu’elles pensent, du moins pas à n’importe qui.
Ou bien que je fais la fine bouche mais j’ai qu’à pas gamberger autant, passer l’aspirateur et étendre des lessives en essayant de suivre la scolarité d’un lycéen et de comprendre les subtilités d’un jeune adulte presque autonome sont pas des activités si prenantes après tout.
Sans parler des deux plus jeunes, on y revient toujours, comme à chaque instant de la journée d’ailleurs, ils sont mignons quand même et pas encore déformés par la télé ou une console vu qu’il n’y en a pas chez nous.
Après tout je pourrai simplement me fondre dans  la masse informe des ménagères de moins de cinquante ans, faire mes courses le samedi matin avec les autres bobonnes et aussi me laisser aller au lèche-vitrine tant qu’on y est…
En fait mon problème, c’est d’avoir bossé toute jeune dans des agences de comm avec des sociétés de production audio-visuelle qui vous font passer l’envie de regarder un journal télévisé. Les trucs de montage, les paramètres de budgétisation d’un reportage m’ont très tôt appris à être vigilante sur ce qu’on essaie de nous faire ingurgiter sept jours sur sept, H24 comme on dit maintenant.
Pour le commerce c’est pareil, j’ai arrêté d’acheter de fringues le jour où j’ai tenu ma propre boutique ; comprendre le fonctionnement des grandes chaînes de prêt à porter m‘a vaccinée sans besoin de rappel décennal contre les virus des dépenses vestimentaires, sans parler de la mode qui n’est plus qu’un vague souvenir dans ma mémoire forcément sélective.
Y a que pour les journaux et les bouquins que j’ai jamais pu m’arrêter. Va comprendre. Les mots imprimés c’est pourtant pas grand-chose, une fois lus on n’en fait plus rien, ça prend de la place sur les étagères et parfois même on a du mal à s’en débarrasser à moindre effort et surtout sans scrupule – quoique le recyclage du papier a beaucoup  progressé en quelques décennies.
Bon bref, ma vie c’est pas vraiment ma vie en fait. J’aime mes enfants mon mari ma maison mes copines et mon boulot aussi quoique depuis quelques temps je me demande un peu – trop souvent – à quoi je sers dans la chaîne, d’autres que moi le feraient certainement beaucoup mieux et je pourrai faire autre chose à la place, comme écrire.
Mais voilà quand je dis ça évidemment ça fait léger, une mère de famille de quarante-cinq ans comment voulez-vous qu’elle gagne de quoi nourrir sa progéniture en écrivant si elle n’a pas fait Normale Sup à vingt ans ou travaillé dans plusieurs médias tout en se farcissant un rédac chef trop attentionné pour son décolleté ou tout bonnement eu des parents aussi cool que M. et Mme Sagan (je sais c’est pas son vrai nom, merci Anne Berest de m’avoir éclairée à ce sujet l’an dernier).
Bon voilà où j’en suis,  à me morfondre sur comment ne pas devenir dingue ou bêtement idiote à ressasser mes litanies de mots, phrases, paragraphe, chaque soir en m’endormant, chaque matin essayer de me souvenir de ceux de la veille, parfois arriver à en coucher deux trois sur un papier ou un clavier…
Suprême torture, la tenue sporadique d’un blog où je pensais il y a bientôt dix ans décharger au vu et su de celui ou celle qui aiderait ces textes maladifs à voir le grand jour – à la relecture de tous ces posts j’ai la nausée, qui peut bien vouloir éditer ces propos-là ? Non, il faut, comme l’a si bien décrit Virginia Woolf, du temps, de l’argent et un espace privatif (« money and a room of one’s own »)."

jeudi 22 juin 2017

retour en arrière




Annecy 13 mai 2017
Ce matin les premières lumières éclairent le lac d'une étrange douceur.
Le ciel est à l’image de mon esprit et de notre relation : demi-teinte de gris mêlé de bleu, quelques mèches blanches s’éparpillent entre les montagnes. La Tournette conserve ses dernières neiges mais la lutte est âpre avec le tendre vert des coteaux inférieurs.
Le lac a la couleur vert gris des yeux de notre famille, l’océan marié au ciel d’orage.
Dans le fin fond de moi un tumulte de combats gronde.
L’envie de se poser, d’observer calmement la stupeur des âmes révélées dans le farfouillis d’idées et de sentiments qui fusent par-dessus les agapes partagées en famille.
La distance entre les êtres, le décalage de sentiments, l’aveuglement de celui qui se pense et se dit face à d’autres qui écoutent, encaissent, refont en intérieur le ressac de leur détresse sur le roc de l’adversité.
L’angoisse du constat sans appel : une existence se résume à des bouts de journaux découpés, des allers-retours du passé à l’avenir, des bribes de souvenirs en élastique, qui se rapprochent puis nous échappent dans un incessant va-et-vient.
La solitude profonde de chaque enfant face à la perte de son parent – ça y est les larmes coulent, on y vient donc, le point dur est effleuré, atteint peut-être ? L’empêchement créé par les sournoiseries mal résolues de l’enfance, la pudeur de l’adolescence trop vite reniée par les aléas familiaux, ou la fatigue d’une décennie de labeur mêlé de petites escapades, je ne sais quelle puissance a régné parmi nous hier soir, puis a envahi mes songes jusqu’au matin.
Le rappel de notre absence à cette vie annécienne est un vaillant chevalier aussi, bien armuré de ses glorieuses victoires célébrées année après année et précieusement confinées entre les rives et les contreforts du massif alpin.
Les anciens tremblent de sentir le souffle de l’Ankou passer si près, espérant peut-être qu’elle les invite bientôt à leur tour aux grandes retrouvailles, ou bien s’efforçant de résister à son appel pour savourer encore quelques bribes d’ici-bas…
Les plus jeunes testent, insouciants, la capacité des adultes à reléguer à la vingt-cinquième heure toutes les routines, toutes les contingences matérielles, les laissant enfin savourer la profondeur d’un canapé, la tranche de jambon mangée à pleine main ou les mille et une merveilles des fonds de placard poussiéreux.
… et ce sentiment fugace d’une parenthèse qui s’est ouverte puis refermée, annonce d’autres possibles, trop furtive pour être pleinement observée, trop présente pour être ignorée.
… et toujours en rêve je suis dans la maison, je quitte la maison, j’y reviens mais rien n’est pareil, je gravis des sentiers caillouteux, les mauvaises chaussures au pied, ou dans une voiture pourrie la route tantôt toute belle tantôt défoncée…
… et toujours hante mes songes cette impression de millionième fois, de recherche infinie du lieu idéal où retrouver l’harmonie physique et émotionnelle.



Je ne connaissais mon beau-père que depuis une douzaine d’années, mais la peine de sa disparition brutale m'empoigne d'un désagréable sentiment de rendez-vous manqué.
Notre arrivée dans le tumulte des formalités et retrouvailles avec les frère et sœurs d'Olivier a été un peu dure pour moi, nous étions déjà fatigués de notre vie trépidante en faisant nos sacs vendredi matin mais là je me sens dépecée de toute énergie.
Toutes les bonnes ondes sont les bienvenues.

samedi 6 mai 2017

Un petit matin frais.


Samedi 6 mai 2017

L’air est mouillé de fin d’hiver, le vert encore tendre des jeunes pousses arrache à l’aube les dernières bribes d’un sommeil haché. 

Quelques feuilles mortes, rescapées du pragmatique harcèlement du souffleur automatisé s’efforcent vaillamment de se fondre à l’humus dans une ultime tentative de participation au grand tout.

Le ciel enlarme quelques yeux clignotants, la petite vitesse engendrée par le pédalage énergique vers les copains, la cour de récré et les berlingots au chocolat du goûter finit de décrotter les esprits embués par les rêves et la chaleur de la couette.

Regarder son guidon, l’asphalte qui défile, guetter l’engin vrombissant  qui peut surgir au détour du virage, se crisper un instant puis reprendre le contrôle, assurer stoïquement le maintien de son équilibre tout en encourageant sa progéniture à bien garder le cap, ses distances d’avec le bas-côté ainsi que (et plus encore) d’avec la tentation de la ligne médiane.

Réfléchir à la journée qui commence, tenter de préserver les pensées nées quelques heures auparavant, chemins creux et expéditions en d’autres galaxies, mais se faire happer par le quotidien éternellement renouvelé et se retrouver face au portail de l’école, bonne journée mon chéri, je t’aime ma puce, fais-toi plaisir en apprenant le monde et à ce soir.