dimanche 12 juillet 2015

Mam Goz Loeiza s'en va

Mamie,

Çà y est, il paraît que c'est le moment, Maman vient de m'appeler, elle t'a trouvée à terre, essayant d'agripper un appui, de trouver un moyen de te relever, encore une fois, pour reprendre force et courage et continuer encore un peu le chemin...
mais cette fois j'ai senti comme un courant d'air légèrement plus glacé, comme un souffle qui passe pour ne plus jamais revenir, l'air s'est fait plus épais, je ne vais peut-être pas avoir le temps de te dire au revoir.

Depuis des années déjà, tu nous dis que rien n'a d'importance ici-bas, depuis plusieurs décennies j'entends ta rengaine à chaque départ d'un plus jeune que toi, aimé ou inconnu : "mais que fait le Bon Dieu, pourquoi il ne me prend pas moi, ma vieille peau n'est donc pas aussi savoureuse ?!"…
Tu me diras, c'est pas dur, tout le monde est plus jeune que toi, et puis personne n'a eu autant d'occasions que toi de s'endurcir, de tromper la faucheuse, de lui rire au nez et de prendre les chemins de traverse pour lui échapper...

Naître en octobre 1912 dans une petite commune du littoral breton, c'était déjà faire preuve d'un grand courage et d'un profond sens de la compétition pour le bonheur : la maison où tu as vu le jour n'avait pas encore l'eau courante et encore moins l'électricité, ta maman portait le deuil de son mari depuis peu, ton frère aîné eut priorité pour étudier, voyager, s'émanciper... Comme tant de filles entre les deux guerres, tu as donné sans rechigner ton enfance, ta jeunesse, tes plus belles années, pour aider ta mère à tenir sa maison et son commerce.
Puis, quand enfin tu as pu trouver le bonheur avec Papy Charles, l'affreuse mécanique de la guerre a bien failli te priver du joli destin auquel tu avais droit. Plusieurs années de séparation, de privations et d'angoisse quotidienne ont continué à forger ton sacré caractère : tu n'as jamais démérité, jamais abandonné la partie, toujours tu as fait front, vaillante petite femme protégeant ses enfants, ayant foi en l'avenir, en l'amour qui finirait bien par vaincre toutes ces tragédies.
Puis, traversant la France transformée en capharnaüm pour rejoindre ton mari, tu as quitté ton village, ton pays, pour construire au Maroc une nouvelle vie : là-bas, tu as trouvé le soleil, la joie de vivre sans souci avec les amis et la famille élargie, les beautés du monde arabe et l'allégresse de voir grandir tes enfants en paix et de pouvoir leur offrir les études qui t'avaient tant manqué.
Les épreuves n'ont pourtant pas cessé çà et là de t'importuner, la santé fragile de ta petite fille, le déchirement de quitter ce pays magique pour revenir à ta Bretagne natale... Mais toujours tu as fait face, ta bravoure et ta gaieté ont toujours fasciné toutes les personnes qui t'ont côtoyée.

Avec Papy Charles, vous avez su reconstruire à Concarneau une belle situation, vivre des années tranquilles, de labeur puis de retraite paisible malgré les aléas de santé des uns et des autres autour de toi.
Tu as connu les joies de voir tes enfants fonder chacun une belle famille, à chaque vacance scolaire tu t'es régalée à accueillir et choyer tes petits-fils et petites-filles, leur apportant l'amour et la joie de vivre, mais aussi le respect de valeurs humaines essentielles : le goût de l'effort et du travail bien fait, l'importance de l'autonomie en toute action.
Tu as ensuite traversé d'autres années sombres avec la maladie de Gaëlle, puis le rapide déclin de Papy qui t'ont tour à tour livrée à l'absence, bien trop vite.

Tu as pourtant vaillamment gardé ton indépendance, nous impressionnant à chaque visite par ton autonomie, ta volonté intacte de tout faire seule, malgré les faiblesses dues à l'âge.

Très entourée par tes enfants et tes petits-enfants, tu as pu passer encore de nombreuses années chez toi, dans cette maison où nous avons tous de si bons souvenirs de vacances ensoleillées et de joyeux repas de famille. 
Puis tes arrière-petits-enfants t'ont à leur tour apporté quelques rayons de soleil. Ton regard amusé et toujours pétillant devant chacun de ces jeunes (de trois quarts de siècles de moins que toi) m'a toujours émerveillée : tu m'as appris qu'en toute chose, en tout moment, la vie est belle si on y met du sien, si on sait reconnaître la chance d'être là plutôt qu'ailleurs, si on espère que demain sera plus beau grâce à l'amour et la confiance. 

Ces dernières années, tu as lâché prise, tu n'es plus bien présente en pensée, tes paroles n'expriment plus grand sens mais tu es toujours aussi magnifique, petit bout de femme vaillante malgré ta fragilité grandissante, mon exemple préféré de ténacité et d'optimisme.

Je t'aime, Mamie, tu vas terriblement me manquer.

vendredi 3 juillet 2015

Adieu Petit Prince

en 1990, quand tu es arrivé dans mon village, démarche tranquille et sourire aux lèvres, ma vie a pris une couleur différente.
ça faisait déjà quelques mois que ma trajectoire fléchissait, du grand bond en avant vers un avenir radieux après quelques années d'études, j'étais déjà entrain de bifurquer vers un petit chemin de bord de mer bien sinueux, mais ô combien plus attirant que la vie rêvée par mes parents et grands-parents...
tout autour de moi sentait l'air du large, j'avais osé et réussi à me départir des convenances familiales et sociales pour voguer au gré du courant trinitain, un coup au rade, un autre en mer... jamais seule, jamais fatiguée, toujours souriante et pêchue...
et rigolant...
et aimant ça.

et puis tu es arrivé, avec ton regard d'enfant rêveur, ton visage de beau gosse nature, tes gestes de mec sûr de sa force, de sa place, de son chemin à faire, en mer comme à terre. en mer plus qu'à terre.
pieds nus à toute heure, en short une grande partie de l'année, les mains encore caleuses de la dernière traversée, les cheveux blanchis par le sel et le soleil.

avec toi il y avait tes potes, ton équipe... tu as toujours été entouré de gens formidables, passionnants autant que passionnés, éperdument amoureux de l'océan, de la vitesse, de sensations hors du commun.
j'ai aimé ta façon de les étonner, de les pousser à agir, à gamberger, à se transcender comme dit ton frangin.
tu as dessiné des plans avec les archis, tu as montré aux ouvriers du chantier comment coller ensemble résine et contreplaques, tu as tourné des pièces en titane à ton idée, tu as expliqué au voilier comment dessiner et couper tes prochaines voiles, puis tu as embarqué chacun et chacune sur ton bateau fraîchement mis à l'eau, et vogue en baie, en océan, entre les continents...

j'ai aimé cette tranquille assurance, ce joyeux air de savoir que rien n'a d'importance, ce farouche besoin d'aller en mer, sur un engin magnifique, fruit de tant d'heures de réflexion, de partage, d'énergies mises en commun... 

tu nous as transmis l'amour des belles créations, le respect de la nature et de soi-même, sans te départir de ton éternel sourire, de ton regard attentif et profondément humain.

quand on traversait du Trého à la Teignouse avec toi, on mettait rarement plus de temps que pour aller du pont de Kerisper aux Chandelles et encore moins que pour en revenir...

quand on fêtait un anniversaire - ou rien du tout d'ailleurs - il y avait toujours des paillettes dans tous les yeux, des ronds-points à l'envers et parfois même une pelleteuse, une boîte aux lettres en vadrouille ou une voiture flottante...

les jours d'avant départ de course, quand tout le monde s'agite sur les pontons, s'endort tard en des endroits aussi improbables qu'un container, une niche sous les remparts ou derrière une passerelle de ponton, tu restais frais et solide, tellement heureux d'aller vivre en mer ta passion de glisser le plus vite possible sur l'écume, d'égaler les dauphins à la course, de surfer sur les vagues du plaisir.

cette année-là tu n'as pas gagné la course, en gentleman tu as cédé la première place à la Fiancée de l'Atlantique qui avait chèrement mérité sa consécration... elle aussi féérique amoureuse de la mer, championne du croquage de vie puissance mille, audacieuse marin épaulée de mecs fantastiques...

et puis la vie m'a entraînée vers d'autres rivages.
une dizaine d'années après, nos chemins se sont à nouveau croisés, nous étions devenus des parents, chacun à sa façon enrichi de découvertes, de rencontres, de voyages, de succès ou d'échecs...
mes enfants ont partagé les mêmes bancs d'école que ceux de ta compagne, les mêmes bords de mer, la même douceur de vivre... les miens sont revenus plus d'une fois avec des étoiles plein les yeux d'une virée dans votre belle propriété aux animaux étonnants pour un jardin trinitain...
tout était serein à votre contact, la vie semblait si simple et douce pour votre famille, les aléas du quotidien m'ont toujours paru vous épargner la lourdeur d'une routine pourtant universelle...

et puis vous êtes partis pour votre beau voyage familial. nous avons regardé Jambo quitter le port avec des sentiments mêlés de tristesse, d'admiration et de respect, voilà un homme et une femme qui osent, qui savent larguer les amarres et assumer pleinement leur choix d'une vie différente, meilleure pour eux et leurs enfants...

nous avons suivi votre périple le long des côtes brésiliennes, chiliennes, dans les eaux froides puis chaudes du Pacifique...
lors de vos retours en métropole nous avons savouré les trop courts instants en votre compagnie, les enfants se retrouvaient, les copines et les copains reprenaient leurs droits à la rigolade, aux bonnes soirées, aux heures délicieuses de l'amitié.

et puis voilà, l'autre matin en allant bosser j'entends que tu n'es pas remonté. la mer t'a gardé. un monde bascule. tout éclate en morceaux. ces vingt-cinq ans passés à construire, à aimer, à donner la vie, à regarder grandir, à douter, à chercher, à refaire, à essayer, à réussir parfois, tout est remis en question par ces quelques mots : Laurent n'est pas rentré de plongée.
en quelques minutes, tout remonte, les souvenirs et les incertitudes, les espoirs et les déceptions, les tentations et les renoncements.

les belles choses accomplies sont là aussi, pour me prouver que chaque parcours peut être considéré comme heureux si on le veut bien...
mais ton brusque départ ravive un sentiment désagréable d'inachevé, d'incomplétude.
et la tristesse de ne pouvoir te dire la place que tu as eue dans mon existence.
et la méchante boule qui bloque ma gorge en pensant à Caroline, Lou, Basile, Justine et Jules livrés à ton absence.

mais aussi le respect pour Yvan, ton frère aimant, si fier de toi et soudain si malheureux.

Merde ! Laurent, pourquoi t'as choqué ?

mardi 9 juin 2015

atelier d'écriture

merci Françoise !

ce soir tu m'as aidée à ouvrir une petite fenêtre, l'air est frais dehors mais c'est tentant de le humer...

parfois j'ai l'impression que je n'arriverai jamais à écrire "sérieusement", souvent je pense qu'il est vain de même m'y efforcer, chaque jour je remets à plus tard ce doux rêve...

mais aujourd'hui, est-ce une coïncidence, un signe, un pur hasard, l'émission "La Grande Table" sur France Culture recevait l'éditeur et la traductrice de Goliarda Sapienza, grande, très grande écrivaine italienne du XXème siècle...
au dos du seul livre d'elle disponible à la médiathèque de mon village ce soir, "moi, Jean Gabin", une citation : "il ne faut pas laisser la vie détruire le rêve".

Dont acte.

mardi 3 février 2015

au sujet du doc "jusqu'au dernier" France 2 du 26/01 au 03/02/2015



La grisaille la tristesse la nausée le désespoir.
Overdose d’images de la Shoah, la violence des scènes de massacres, pogroms et autres odieuses mises en scène macabres me fout la gerbe, y a pas d’autres mots.
Ces historiens sont hallucinants de réalisme, de maîtrise d’eux-mêmes et du sujet qu’ils nous exposent dans ses détails les plus horribles.
Toute cette saleté humaine sera-t-elle un jour lavée définitivement, par quel moyen pourra-t-on jamais retrouver les couleurs de la vie d’avant, pourquoi quelques centaines d’hommes ont-ils pu anéantir ainsi des millions de vies, des milliards de bonheurs possibles, une part de l’humanité ?
Comment les réalisateurs de ces documentaires ont-ils pu aller au bout de leur travail, réaliser ces heures de film où chaque minute est un rappel des insultes faites au respect, à l’amour, au bonheur sur terre ?
Je suis née de parents qui ont souffert de leur naissance à l’âge de huit-dix ans de la guerre provoquée par les nazis. Leur père est parti combattre pendant des années, leur mère a dû se débrouiller pour les nourrir, les habiller, les éduquer malgré la pénurie d’aliments, de moyens et de liberté imposée par l’occupant. Bien que protégés dans leur lieu de naissance, leur culture et leur religion, si on les compare aux millions de sacrifiés, ils m’ont transmis cette histoire terrible, m’ont éduquée à refuser la haine, le mépris, le sarcasme et la violence sous toutes leurs formes. Mais jamais je n’avais encore compris à quel point cette phase sombre de l’histoire européenne pouvait être affreuse dans sa dimension d’acceptation collective du mal.
Je m’interroge toutefois, au vu de ces images de propagande si cyniquement orchestrée, s’ils ont jamais entendu les adultes de leur entourage, peut-être même leurs propres parents, se plaindre de ou critiquer l’existence des juifs avant qu’ils ne soient pourchassés, violentés, anéantis ou tout comme, partout en Europe des années 1930 à 45 ?
Dans les années 80, enfant puis adolescente, j’ai côtoyé des Allemands et des Autrichiens qui ont pu appartenir à des familles de racistes, antisémites, peut-être même des gens actifs dans ces abjections. Jamais je n’ai imaginé poser la question qui me viendrait maintenant à l’esprit en les rencontrant : où étiez-vous lorsque les premiers magasins ont été « tagués »,  quand les médecins, avocats, professeurs, etc… ont été frappé d’interdiction d’exercer parce qu’ils étaient juifs... puis en novembre 1938 pendant la nuit de Cristal, lorsque les synagogues ont brûlé, que faisiez-vous, que disiez-vous, comment avez-vous vécu dans cet enfer infligé à quelques uns d’entre vos voisins, vos compatriotes, des êtres humains comme vous… ???
J’essaie de comprendre, de ressentir autre chose que du dégoût ou un sombre désespoir, mais comment arriver à garder le sourire, à croire que notre planète pourrait être un jour le havre de paix de tous et toutes et non pas l’enfer qu’elle a été pour un si grand nombre dans ces années-là ?
Je n’arrive pas à regarder ces docs jusqu’au bout, je cale de plus en plus tôt à chaque nouvelle tentative, les images sont trop brutales, la démonstration trop bien menée, les témoignages trop poignants, les analyses trop précises. Le machiavélisme des nazis m’asphyxie, le souffle court je cherche un rayon de soleil dans mon environnement pour me permettre de reprendre les couleurs qui m’ont désertée au fil du visionnage, me maintenir éveillée, sereine comme j’aime à l’être pour penser le monde et l’aimer.

samedi 17 janvier 2015

Qui étions nous le 11 janvier ?


Denis Podalydes, 11/01/2015 :" La phrase concerne moins aujourd'hui que les jours précédents : "Au chagrin de ce jour nous devons obéir, dire ce que nous sentons et non ce que nous devrions dire."
Je pense à l'écrivain qui dira un jour ce que nous sentions dans une langue exacte."


Or donc, il m’a fallu une nouvelle semaine pour comprendre, réfléchir, ressasser et mettre en mots toutes ces émotions.
Plusieurs fois, comme  à l’accoutumée, les phrases se sont alignées, belles, cohérentes, parfaites après quelques hésitations.
Mais c’était simplement en moi, dans la pénombre de l’endormissement ou la pâleur du  réveil trop matinal.

Des mots, des images, des idées…
Des notes de musique aussi, quelques lumières entraperçues, une odeur dans la campagne, une ambiance entre deux êtres ou à un moment donné.

Et puis là devant le clavier tout redevient trop difficile.
Trop fatiguant. Trop inutile.
Toute seule avec moi-même et la misère du monde en  arrière-plan, les meilleures intentions d’écrire, dire, laisser une trace, se perdent en moi et dans la faible distance de mon cerveau à l’ordinateur.

Et ça ne changera pas grand-chose.
Tout pourra se retrouver un jour, ou pas, et tant pis.

Kerbrezel, le 17 janvier 2015

vendredi 19 décembre 2014

tadammm...

et oui.
près d'un an.
pour certains articles plus de quatre.
voire six.
ouille.
des centaines de matins qui susurrent des phrases à mes oreilles encore embrumées, d'autres milliers d'instants de rédaction intérieure sans que rien, aucune trace, n'en soit resté(e).
et je me sens vieillir.
et je me vois rabougrir. enfin pour l'écriture s'entend.
parce que sinon depuis tout ce temps ma vie est plutôt à l'expansion.
familiale, professionnelle, sociale,... j'aimerais écrire aussi géographique, mais là non, ce serait mentir. quelques allers-retours dans les montagnes ou dans ce pays étrange bordé de bleu, en dessous de la ligne symbolique "Lyon-Bordeaux"...quand même, mais pas les grands déplacements qui me font toujours tant rêver.
légère atrophie littéraire aussi, malgré les nombreuses découvertes et voyages en mots - ah, Olivier Adam, Emmanuel Carrère, Grégoire Delacourt, Nicolas Fargue, Claudie Gallay, Nancy Huston, Haruki Murakami, Bjorn Riel, Luis Sepulveda, Ruiz Zafon, ... j'en oublie et des meilleurs...
et donc, pénurie totale de scribouillerie, désert aride de création, rétention totale de phrases, pensées, histoires, prise d'otage permanente de tous les personnages qui ne demandent pourtant qu'à vivre libres...

Manu-Causse Plisson, Emmanuelle Urien, Marie-Georges Profonde, mon frère et mes bonnes copines qui m'avez donné l'élan il y a quelques années, que vous dire sinon que je me sens piteuse et à la fois toute excusée par les deux bonshommes que j'ai mis sur terre depuis, les deux autres qui sont maintenant des petits adultes et les événements rencontres dîners déplacements vacances jeux divers(e)s et varié(e)s organisé(e)s savouré(e)s ou enduré(e)s ces derniers temps...

et que donc j'aimerais m'y remettre, noter retranscrire garder vivante cette parole qui surgit de je ne sais où et me parait si belle quand elle murmure à mon cerveau des phrases parfaites, des idées formidables et des histoires fabuleuses.

mais aussi que je doute, que j'ai froid partout parfois de me voir si superficielle, si incomprise, si nulle en perspicacité humaine, ou bien sont-ce les gens qui changent, me tracassent à dessein, ou s'en foutent tout bonnement ??

et surtout que je suis toute petite, insignifiante ou n'ayant rien d'important à montrer, à donner, à transmettre, puisque ça ne vient pas tout seul.

et enfin que putain quand est-ce que l'être humain va penser comme moi qu'il est temps d'arrêter le massacre, les misères quotidiennes, l'oppression du mal-né par le nanti, que oui le jour s'est levé où on va pouvoir tendre sa main vers l'autre sans avoir peur qu'il la morde ou la coupe ou même juste la dédaigne.

mais tout ça ça reste des phrases.
des mots.
dans le silence.
le désert.
y a même pas d'écho.
ni dans l'insondable profondeur des réseaux sociaux.
ni dans l'ineffable vacuité de notre existence.

vendredi 24 janvier 2014

oups on a passé l'année sans se parler !

eh ben dis donc, j'ai eu comme une surprise pas drôle en revenant ici... déjà plus d'un an sans rien y écrire.
bon, c'est comme avec un de mes frangins alors, les minutes et les mois passent et on ne s'appelle que pour se souhaiter un joyeux noël, les anniversaires on les fête par email et tout ce qui nous arrive qu'on aurait partagé les années passées s'en va par des trappes...
mais où est le déversoir ? quand j'aurai le temps j'irai voir du côté où je ne m'aventure jamais, des fois que ces souvenirs se soient accumulés là-bas.
pour l'instant le chemin rebattu tous les jours me convient, m'accapare et me laisse peu de temps pour seulement essayer de comprendre comment faire demain... alors le reste !

et puis là c'est la bérézina chez le fils aîné, la remontée de pente un peu sèche du cadet, l'explosion de découvertes et commentaires idoines chez les deux plus petits... sans parler des contingences professionnelles et sociales qui m'occupent 250% du reste de l'emploi du temps.

donc c'est fatiguée et quelque peu désabusée que je reprends pied ici, ou plutôt main, clavier et neurones connectés.

et c'est pas facile.

je manque d'entraînement, de calme, de temps.

il me faudrait une bonne semaine complète totalement tranquille. je n'ai pas seulement cinq minutes d'affilée.

donc une fois encore j'abdique. et pourtant. ce serait tellement chouette.

allez, bonne année quand même !

dimanche 16 décembre 2012

Fin du monde J-5

en cette presque fin du monde (J - 5) annoncée depuis des mois, la teneur de mes propos pourra paraître facétieuse, hautement d'actualité ou tristement débile, c'est selon ta propre humeur que je te laisse, lecteur, dompter ou laisser vaquer à ta guise.

c'est juste une sensation, quelques bribes de pensées, de vagues idées d'une nouvelle vie qui pourrait commencer.

c'était il y a huit ans :
Maintenant que je sais que je ne suis pas Wonderwoman, tout devrait être plus facile.


Il m’aura fallu quelques années, quand même, pour me défaire de ce sentiment puissant de supériorité, de perfection ironique et désabusée… de la même manière que j’ai toujours cru qu’un de ces jours je me retrouverai planquée dans une cave ou les décombres d’un aéroport pour cause de grave catastrophe climatique, qu’un désastre géo-politique me mettrait enfin dans l’action urgente de survie au lieu de devoir me coltiner avec la réalité bassement routinière et parfois si lancinante du mal-être.

Pourquoi j’ai cru si longtemps à cette espèce de sauvegarde ultime, comment j’ai pu me sentir à l’abri de tant de connerie humaine et de laxisme sentimental, je m’en étonnerai je crois de nombreuses années encore. Avoir eu cette quasi-certitude de pléni-potentialité vis à vis de tout ce qui m’arriverait et de presque tous les êtres que je côtoyais m’a ôté tout désir d’agir réellement sur le chemin de ma vie, m’a empêchée de voir en face les réalités trop douloureuses ou médiocres qui ne faisaient que me rabaisser au lieu de me grandir…

Je n’ai certes pas fini de croire que mon cerveau peut démêler l’écheveau de la vie plus vite que le commun des mortels, je pense encore qu’un de mes regards peut appréhender plus que n’importe qui la magie du monde et que mon sourire est largement suffisant pour que j’accède régulièrement à l’essentiel de ce que je désire dans l’instant… mais tu m’as appris involontairement ces dernières semaines que je ne retrouverai jamais la douceur de tes mains sur mes hanches, la chaleur de ton amour en moi ni le vertige de ton extrême jouissance, et çà, ça veut dire que je ne suis pas toute puissante.

Le choix que j’ai fait de te quitter, de m’arracher à ton charme et tes changements d’humeur, à la certitude de vieillir à deux, aux tranquilles routines de l’amour quand on veut, au bonheur d’élever deux bouts d’humain sur cette terre incertaine, cette décision me permet aujourd’hui, brutalement et progressivement à la fois, de prendre conscience de mon manque de réalisme ces dernières années, de mon insouciance face aux hasards de la vie qui n’en sont finalement pas tant que ça.

J’ai réussi à me voiler la face tant d’années que je ne peux imaginer maintenant combien de temps il va me falloir pour comprendre et réussir à agir dans le bon sens, à quel moment je serai enfin prête à vivre simplement, à moins que je ne le fasse déjà depuis ce jour où j’ai décidé de ne plus t’aider, de ne plus être à tes côtés jusqu’à la vieillesse et la mort ?

Je pense en tout cas qu’il va m’être plus doux de vivre pleinement ma vie de femme et de maman sans avoir à assumer celle d’épouse-amante-infirmière-psy-mère-frangine que tu m’avais attribuée dès le début de notre relation, sans que je m’en rende compte puis sans te soucier si cela me convenait, ni si cela t’aidait réellement à vivre et ne nous mettait pas en péril tous les deux.

Aujourd’hui le péril ne fait plus partie de mon existence comme élément potentiellement salvateur, j’ai cessé de croire que j’aurais à me sauver avec mes enfants d’une catastrophe naturelle, parce que ça y est, c’est fait, le cataclysme que je redoutais, c’était toi, et j’ai demandé le divorce le mois dernier.

Et me voilà ce 16 décembre 2012 à remâcher encore et toujours.
enfin maintenant je ressasse plutôt mon incapacité à mener mes deux bouts d'humain sur le chemin que je croyais tout tracé pour eux.
Et les deux autres petits blondinets qui se sont faufilés dans ma vie depuis ne me semblent guère enclins non plus à suivre mes conseils et préceptes plus d'une dizaine d'années encore.

Je m'essouffle, plus tôt que prévu, sur la route poussiéreuse mais parfois si joyeuse de la vie.
Je revois des choses qui ne me sont pas arrivées, je rêve d'intenses moments de quête incertaine d'un monde meilleur, j'écris encore et toujours les pages d'un livre inconnu et loin d'être achevé.

J'écris dans l'urgence, les doigts fourbus pianotent comme en perdition, les mots s'enfuient à mon approche, seule la lecture trop rare d'un roman ou de quelques poèmes attise à nouveau les braises qui couvent toujours dans un recoin de mon esprit.

Je ne sais pas remercier, reconnaître la beauté des instants de paix offerts pourtant par paquets de cent tous les jours.

Je renie mes origines, la splendeur de la côte au petit jour, les magnifiques brumes de fin de journée entre les pierres ancestrales... Je m'astreins à vivre chaque jour comme le seul et unique, déçue à chaque réveil que la noirceur de la routine recouvre toujours et encore ma fenêtre sur le monde.

Mais j'essaie à nouveau. Demain encore. Si rien ne stoppe la terre dans son giratoire élan. 

L'orage gronde encore cette nuit.