mercredi 28 février 2018

dans douze jours le 11 mars



Le temps s’écoule, me bouffe, me grignote.
Souris malicieuse ou monstre malin, je ne connais pas son contour. Son ossature pèse sur ma vie mais je ne sais comment le prendre, l’empoigner, l’éviter ?
Chaque jour je crois que c’est bon, chaque nuit il me rattrape, m’enserre, m’étouffe.
Ou est-ce une donnée, un élément de l’air, une molécule en moi ? les minutes et les mois impavides sont juste les témoins de cet acharnement à me voir déraper, glisser, renoncer puis reprendre espoir…
Suis lasse de cette guerre épisodique, ces alternances me rongent, ma jeunesse s’effrite et les rides se creusent.
Triste sentiment de n’être qu’une description d’érosion, un extrait de manuel de géologie pour classe de 3ème.
Je me fais un petit dej vitaminé et je descends au  village.
Pousser la roue.
Dans douze jours j’ai 49 ans.
Sevrier, 28 fév-2018

lundi 26 février 2018

Petite fourmi dans la grande plaine



Petite fourmi dans la grande plaine, j’avance à pas menus mais rapides.
L’angoisse me pousse, ou est-ce l’envie, un jour meilleur, le pire derrière.
Ne pas me retourner, laisser les larmes couler, ça fera toujours ça de pris pour drainer les sueurs et hydrater ma peau, en effacer les salissures d’hier.
Ne pas replonger dans les sinuosités du chemin d’antan. Croire dans le jour qui se lève. S’attacher fermement aux nouvelles idées, au ressenti de l’instant.
La lumière toute neuve pour seule guide. Pas de maître. Pas de bagage. Refouler les mots qui disent trop.
Aimer la distance à parcourir, pour le bien qu’elle va m’apporter, pour l’horizon à découvrir.
Revoir brièvement les images aimées, garder ancrés profond tous les souvenirs de bonheur. Pas un de plus.
En fabriquer d’autres. Tout doucement. En commençant par celui d’être en vie. Debout.
Ne plus dire « rappelle-moi, suis dispo, quand tu veux ».
Juste être là, entière, ou pas. Point.
Trouver le rythme, le garder. Longue foulée ou errance calme, va savoir… ça fait juste vingt ans que je cogite, y a de la marge.
Prendre le temps de tout poser, dépecer les misères, les ranger dans un coin et les momifier.
Ne pas se laisser dire comment faire. Le faire. Point.
Pouvoir regarder dans les yeux de celles-ceux qui savent et leur faire confiance.
Me laisser aller à croire en moi.
T’as vu comment je progresse ???
Sevrier 26 fév. 2018

mercredi 14 février 2018

Salut chère Mam' Caro



Salut chère Mam' Caro,

Notre vie ne s’est pas arrêtée le dernier jour où on s’est vues, c’était chez mes parents dans les vignes du Sud nantais et depuis ce jour où tu as tourné le coin de la rue avec ton amoureux américain je ne t’ai plus revue sauf en photos sur FB depuis quelques mois où je t’ai retrouvée, par hasard ou presque.

Salut vieille amie de mon enfance-adolescence, ma première vraie meilleure amie, celle qui comprend et pardonne mais reste si mystérieuse, salut ma propre enfance et mon devenir incertain, quarante ans que je me regarde grandir et qu’est-ce que ça donne ?
Des envies des désillusions, de grandes aventures à ma petite échelle de Maouezig, de belles navigations sous le soleil et quelques unes dans la tempête, mais si peu de misère en fait que j’en ai honte de m’exprimer…

Mais pour ma grand-mère, celle qui n’a pas su, et pour l’autre aussi, celle qui n’a pas voulu, et pour toutes les femmes de ma vie, de mon histoire, et pour toutes celles qui ne savent même pas qu’aimer existe, que la beauté du jour peut égaler l’horreur des nuits, pour tous les êtres qui se noient dans la violence d’un méchant ou les larmes des disparus, …
Pour tous et surtout mes enfants, pour ces quatre gars qui m’en veulent parfois de les avoir mis au monde, mais non qu’est-ce que je raconte ils doivent bien m’aimer quelque part, à un moment ou à un autre, malgré mes cris, mes regards fous et mes incohérences.
Pour celui qui m’accompagne et sait me pardonner à chaque instant, malgré mon égoïsme de presque schizophrène, toutes les fois où je lui manque de respect en prétendant savoir mieux, savoir trop, sentir à outrance et aussi toutes les fois où je pleure alors qu’il est fatigué de bien d’autres craintes mieux fondées.
Pour tous les êtres brimés, niés, maltraités, il faut que je continue, que je dise, que je lâche tous ces mots et ces phrases qui peut-être pourraient leur rendre hommage, vie, dignité.

À toi chère mam' Caro, douce oreille de mes 12 ans, tendre main ouverte dans ce nouveau monde qui nous paraissait si bon, si merveilleux… que veulent dire tes yeux fatigués, que nous apprennent ces magnifiques photos de ta vie australienne ?
Tu me parais pas bien épaisse, mais l’as-tu jamais été ? tu souris mais je ne retrouve pas l’éclat de nos treize ans, tu te réjouis d’être en famille mais où es-tu vraiment ?
Je divague et m’égare, en trente ans oui c’est bien normal de ne pas te retrouver intacte, que t’a fait la vie, que t’ont infligé les années ?

J’aimerais te voir là, à quelques doigts de te toucher, à quelques centimètres de sentir ton parfum, voir ton visage en vrai, pouvoir te serrer dans mes bras et te dire ‘hey, salut, Mam’Caro, wie geht’s ?’
Mais non, moi ici Breizh Izel, toi là-bas New South Wales.
Ok.
Bon et sinon quand est-ce qu’on se voit ?

y paraît que c'est la youpi-tralala des Zamoureux, 14 février 2018

mercredi 10 janvier 2018

oups trois ans ont passé

coucou de la nouvelle année...
je viens de retrouver ça, pas très fière de moi en fait...


"Moi ce que je fais c’est pas important.
Ça prend quelques  heures dans une journée mais c’est pas ça qui fait tourner la boutique, comme ils disent.
Tu vois rien que ces deux phrases, c’est déjà toute ma vie, on pourrait s’arrêter là.
Oh bien sûr, y en a qui vont trouver que j’exagère, bien calée devant un ordi portable, avec le poêle qui ronronne à côté et tout le confort d’une maison bien équipée et tout et tout.
Et que les deux mômes qui viennent – enfin – de s’endormir là-haut, je les ai bien voulus, donc j’ai pas à me plaindre.
Et que d’autres se font taper dessus, sont obligées de porter un voile pour sortir dans la rue et n’ont pas le droit de dire ce qu’elles pensent, du moins pas à n’importe qui.
Ou bien que je fais la fine bouche mais j’ai qu’à pas gamberger autant, passer l’aspirateur et étendre des lessives en essayant de suivre la scolarité d’un lycéen et de comprendre les subtilités d’un jeune adulte presque autonome sont pas des activités si prenantes après tout.
Sans parler des deux plus jeunes, on y revient toujours, comme à chaque instant de la journée d’ailleurs, ils sont mignons quand même et pas encore déformés par la télé ou une console vu qu’il n’y en a pas chez nous.
Après tout je pourrai simplement me fondre dans  la masse informe des ménagères de moins de cinquante ans, faire mes courses le samedi matin avec les autres bobonnes et aussi me laisser aller au lèche-vitrine tant qu’on y est…
En fait mon problème, c’est d’avoir bossé toute jeune dans des agences de comm avec des sociétés de production audio-visuelle qui vous font passer l’envie de regarder un journal télévisé. Les trucs de montage, les paramètres de budgétisation d’un reportage m’ont très tôt appris à être vigilante sur ce qu’on essaie de nous faire ingurgiter sept jours sur sept, H24 comme on dit maintenant.
Pour le commerce c’est pareil, j’ai arrêté d’acheter de fringues le jour où j’ai tenu ma propre boutique ; comprendre le fonctionnement des grandes chaînes de prêt à porter m‘a vaccinée sans besoin de rappel décennal contre les virus des dépenses vestimentaires, sans parler de la mode qui n’est plus qu’un vague souvenir dans ma mémoire forcément sélective.
Y a que pour les journaux et les bouquins que j’ai jamais pu m’arrêter. Va comprendre. Les mots imprimés c’est pourtant pas grand-chose, une fois lus on n’en fait plus rien, ça prend de la place sur les étagères et parfois même on a du mal à s’en débarrasser à moindre effort et surtout sans scrupule – quoique le recyclage du papier a beaucoup  progressé en quelques décennies.
Bon bref, ma vie c’est pas vraiment ma vie en fait. J’aime mes enfants mon mari ma maison mes copines et mon boulot aussi quoique depuis quelques temps je me demande un peu – trop souvent – à quoi je sers dans la chaîne, d’autres que moi le feraient certainement beaucoup mieux et je pourrai faire autre chose à la place, comme écrire.
Mais voilà quand je dis ça évidemment ça fait léger, une mère de famille de quarante-cinq ans comment voulez-vous qu’elle gagne de quoi nourrir sa progéniture en écrivant si elle n’a pas fait Normale Sup à vingt ans ou travaillé dans plusieurs médias tout en se farcissant un rédac chef trop attentionné pour son décolleté ou tout bonnement eu des parents aussi cool que M. et Mme Sagan (je sais c’est pas son vrai nom, merci Anne Berest de m’avoir éclairée à ce sujet l’an dernier).
Bon voilà où j’en suis,  à me morfondre sur comment ne pas devenir dingue ou bêtement idiote à ressasser mes litanies de mots, phrases, paragraphe, chaque soir en m’endormant, chaque matin essayer de me souvenir de ceux de la veille, parfois arriver à en coucher deux trois sur un papier ou un clavier…
Suprême torture, la tenue sporadique d’un blog où je pensais il y a bientôt dix ans décharger au vu et su de celui ou celle qui aiderait ces textes maladifs à voir le grand jour – à la relecture de tous ces posts j’ai la nausée, qui peut bien vouloir éditer ces propos-là ? Non, il faut, comme l’a si bien décrit Virginia Woolf, du temps, de l’argent et un espace privatif (« money and a room of one’s own »)."