Et voilà c’est reparti pour un
mois de plus à tourner en rond dans nos maisons. Sans les trois petits chats c’est
moins rigolo. C’est pour la bonne cause et on va pas se plaindre, ça fait plus
de six semaines, deux mois presque qu’on s’est rendu compte de notre chance d’habiter
une chouette maison dans la campagne patin couffin.
C’est juste un sentiment d’impuissance
et d’inutilité qui me mine parfois, de plus en plus souvent. Comprendre que les
actions, les gestes et les pensées futiles de la vie quotidienne vont encore
avoir autant d’importance pendant des semaines, c’est ça qui me mine
intérieurement. J’essaie d’échapper à ces réflexions bouclantes sur ma propre
vie en pensant à d’autres qui n’ont rien, surtout ne pas penser à ceux qui ont
trop, car alors la colère monte et c’est pas mieux.
Je revois aussi sur mon écran
intérieur toutes les situations des derniers mois et la tentation est grande de
voir en quelques unes les prémonitions de ce qui nous arrive. Le 31 décembre
passé à comater dans une chambre d’hôtel en regardant des films de Noël
américains à l’eau de rose, la soirée de la St Sylvestre commencée à reculons
qui s’achève en dansant à trois heures du mat’, les allées venues incessantes
entre travail et procrastination, les découvertes de l’état civil et les
balades en bord de mer, pour finir sur ce séjour improbable à 150 km du début
de la pandémie en Europe.
Toutes les pensées d’alors, tous
les sentiments mitigés et anxieux de ces temps pas si anciens me remontent à la
tronche et j’ai du mal à faire la part des choses entre ce que je vivais alors
et ce qui m’est donné à voir maintenant.
Mais bon, pas de tergiversations,
au boulot.
***
22:46 – c’est l’heure où la peau tire et les rides se creusent. Enfiler un
nouveau t-shirt, manches longues pour se préserver de la fraîcheur de la nuit. Entrouvrir
la fenêtre pour connaître l’humeur du ciel et la teneur de l’air. Ne pas se laisser impressionner par les possibles
bestioles qui ne manqueront pas de tenter leur chance de ce côté du carreau,
ignorer les hululements farouches du début de nuit.
Et enfin assouvir les pulsions et
laisser les flots de mots creuser le lit du torrent intérieur.
Usurper à l’actualité fétide la
lumière des pensées ultimes, ne plus tergiverser face à l’urgence de dire,
exprimer et remettre en lumière les réalités trop longtemps laissées dans l’ombre
des doutes et des ignorances.
Donner à lire, à frémir, à jouir. Ne
pas laisser un seul lambeau d’incertitude, une seule trace de mépris, pas même
un infime susurrement d’ineffable.
Et vivre.
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