coucou de la nouvelle année...
je viens de retrouver ça, pas très fière de moi en fait...
je viens de retrouver ça, pas très fière de moi en fait...
"Moi ce que je fais c’est pas important.
Ça prend quelques
heures dans une journée mais c’est pas ça qui fait tourner la boutique,
comme ils disent.
Tu vois rien que ces deux phrases, c’est déjà toute ma vie,
on pourrait s’arrêter là.
Oh bien sûr, y en a qui vont trouver que j’exagère, bien
calée devant un ordi portable, avec le poêle qui ronronne à côté et tout le
confort d’une maison bien équipée et tout et tout.
Et que les deux mômes qui viennent – enfin – de s’endormir
là-haut, je les ai bien voulus, donc j’ai pas à me plaindre.
Et que d’autres se font taper dessus, sont obligées de
porter un voile pour sortir dans la rue et n’ont pas le droit de dire ce
qu’elles pensent, du moins pas à n’importe qui.
Ou bien que je fais la fine bouche mais j’ai qu’à pas
gamberger autant, passer l’aspirateur et étendre des lessives en essayant de
suivre la scolarité d’un lycéen et de comprendre les subtilités d’un jeune
adulte presque autonome sont pas des activités si prenantes après tout.
Sans parler des deux plus jeunes, on y revient toujours,
comme à chaque instant de la journée d’ailleurs, ils sont mignons quand même et
pas encore déformés par la télé ou une console vu qu’il n’y en a pas chez nous.
Après tout je pourrai simplement me fondre dans la masse informe des ménagères de moins de
cinquante ans, faire mes courses le samedi matin avec les autres bobonnes et
aussi me laisser aller au lèche-vitrine tant qu’on y est…
En fait mon problème, c’est d’avoir bossé toute jeune dans
des agences de comm avec des sociétés de production audio-visuelle qui vous
font passer l’envie de regarder un journal télévisé. Les trucs de montage, les
paramètres de budgétisation d’un reportage m’ont très tôt appris à être
vigilante sur ce qu’on essaie de nous faire ingurgiter sept jours sur sept, H24
comme on dit maintenant.
Pour le commerce c’est pareil, j’ai arrêté d’acheter de
fringues le jour où j’ai tenu ma propre boutique ; comprendre le
fonctionnement des grandes chaînes de prêt à porter m‘a vaccinée sans besoin de
rappel décennal contre les virus des dépenses vestimentaires, sans parler de la
mode qui n’est plus qu’un vague souvenir dans ma mémoire forcément sélective.
Y a que pour les journaux et les bouquins que j’ai jamais pu
m’arrêter. Va comprendre. Les mots imprimés c’est pourtant pas grand-chose, une
fois lus on n’en fait plus rien, ça prend de la place sur les étagères et
parfois même on a du mal à s’en débarrasser à moindre effort et surtout sans
scrupule – quoique le recyclage du papier a beaucoup progressé en quelques décennies.
Bon bref, ma vie c’est pas vraiment ma vie en fait. J’aime
mes enfants mon mari ma maison mes copines et mon boulot aussi quoique depuis
quelques temps je me demande un peu – trop souvent – à quoi je sers dans la
chaîne, d’autres que moi le feraient certainement beaucoup mieux et je pourrai
faire autre chose à la place, comme écrire.
Mais voilà quand je dis ça évidemment ça fait léger, une
mère de famille de quarante-cinq ans comment voulez-vous qu’elle gagne de quoi
nourrir sa progéniture en écrivant si elle n’a pas fait Normale Sup à vingt ans
ou travaillé dans plusieurs médias tout en se farcissant un rédac chef trop
attentionné pour son décolleté ou tout bonnement eu des parents aussi cool que
M. et Mme Sagan (je sais c’est pas son vrai nom, merci Anne Berest de m’avoir
éclairée à ce sujet l’an dernier).
Bon voilà où j’en suis,
à me morfondre sur comment ne pas devenir dingue ou bêtement idiote à
ressasser mes litanies de mots, phrases, paragraphe, chaque soir en
m’endormant, chaque matin essayer de me souvenir de ceux de la veille, parfois
arriver à en coucher deux trois sur un papier ou un clavier…
Suprême torture, la tenue sporadique d’un blog où je pensais
il y a bientôt dix ans décharger au vu et su de celui ou celle qui aiderait ces
textes maladifs à voir le grand jour – à la relecture de tous ces posts j’ai la
nausée, qui peut bien vouloir éditer ces propos-là ? Non, il faut, comme
l’a si bien décrit Virginia Woolf, du temps, de l’argent et un espace privatif
(« money and a room of one’s own »)."