Salut chère Mam' Caro,
Notre vie ne s’est pas arrêtée le dernier jour où on s’est
vues, c’était chez mes parents dans les vignes du Sud nantais et depuis ce jour où tu as
tourné le coin de la rue avec ton amoureux américain je ne t’ai plus revue sauf
en photos sur FB depuis quelques mois où je t’ai retrouvée, par hasard ou
presque.
Salut vieille amie de mon enfance-adolescence, ma première
vraie meilleure amie, celle qui comprend et pardonne mais reste si mystérieuse,
salut ma propre enfance et mon devenir incertain, quarante ans que je me
regarde grandir et qu’est-ce que ça donne ?
Des envies des désillusions, de grandes aventures à ma
petite échelle de Maouezig, de belles navigations sous le soleil et quelques
unes dans la tempête, mais si peu de misère en fait que j’en ai honte de m’exprimer…
Mais pour ma grand-mère, celle qui n’a pas su, et pour l’autre
aussi, celle qui n’a pas voulu, et pour toutes les femmes de ma vie, de mon
histoire, et pour toutes celles qui ne savent même pas qu’aimer existe, que la
beauté du jour peut égaler l’horreur des nuits, pour tous les êtres qui se
noient dans la violence d’un méchant ou les larmes des disparus, …
Pour tous et surtout mes enfants, pour ces quatre gars qui m’en
veulent parfois de les avoir mis au monde, mais non qu’est-ce que je raconte
ils doivent bien m’aimer quelque part, à un moment ou à un autre, malgré mes
cris, mes regards fous et mes incohérences.
Pour celui qui m’accompagne et sait me pardonner à chaque
instant, malgré mon égoïsme de presque schizophrène, toutes les fois où je lui
manque de respect en prétendant savoir mieux, savoir trop, sentir à outrance et
aussi toutes les fois où je pleure alors qu’il est fatigué de bien d’autres
craintes mieux fondées.
Pour tous les êtres brimés, niés, maltraités, il faut que je
continue, que je dise, que je lâche tous ces mots et ces phrases qui peut-être
pourraient leur rendre hommage, vie, dignité.
À toi chère mam' Caro, douce oreille de mes 12 ans,
tendre main ouverte dans ce nouveau monde qui nous paraissait si bon, si
merveilleux… que veulent dire tes yeux fatigués, que nous apprennent ces
magnifiques photos de ta vie australienne ?
Tu me parais pas bien épaisse, mais l’as-tu jamais été ?
tu souris mais je ne retrouve pas l’éclat de nos treize ans, tu te réjouis d’être
en famille mais où es-tu vraiment ?
Je divague et m’égare, en trente ans oui c’est bien normal
de ne pas te retrouver intacte, que t’a fait la vie, que t’ont infligé les
années ?
J’aimerais te voir là, à quelques doigts de te toucher, à
quelques centimètres de sentir ton parfum, voir ton visage en vrai, pouvoir te
serrer dans mes bras et te dire ‘hey, salut, Mam’Caro, wie geht’s ?’
Mais non, moi ici Breizh Izel, toi là-bas New South Wales.
Ok.
Bon et sinon quand est-ce qu’on se voit ?
y paraît que c'est la youpi-tralala des Zamoureux, 14 février
2018