mercredi 19 mai 2021

Souvenir de St Malo - puisqu'on ne peut pas y être

 

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Hôtel France et Continental – St Malo, le 15 juillet 2006

 Charme désuet et rappel de temps anciens, détails lourds de présence passée, ensemble majestueux autant que raffiné… dommage que l’élégance du bâtiment soit encadrée des vulgarités commerciales environnantes, il eut été plus agréable à l’œil et au cœur que l’accès à ce magnifique hôtel fût aussi charmant que son intérieur.

Les relents de cuisine bon marché et les brouhahas des crêperies et autres « moules-frites » qui jalonnent le pavé malouin jusqu’en cet endroit magique m’avaient presque dissuadée de mener plus avant ma pérégrination sur les traces de Cartier et Surcouf… mais là, au détour de la placette où jonglent troubadours et portraitistes, au son d’un flûtiau et d’une mandoline, l’entrée par les grilles forgées efface comme par magie la pénible sensation d’errer dans un Disneyland bretonnant.

Ici, on pénètre tout d’abord en croyant entendre l’écho d’une calèche claquant du sabot de ses chevaux sur le pavé luisant… les portes de l’hôtel s’ouvrent à peine qu’on est déjà transporté au siècle d’avant celui qu’on a « enterré » récemment : « dans cette maison, le 4 septembre 1768, naquit Chateaubriand ».

Suit alors une foultitude de pensées, idées, souvenirs ou sentiments de « déjà-vu » qui nous propulsent à l’intérieur même de ces photos jaunies qui ornent les murs de la véranda d’accueil : on croit entendre les rires des dames en crinolines qui bavardent à l’ombre des platanes – ou étaient-ce des tilleuls ? – qui ombrageaient alors la terrasse du restaurant de l’hôtel. Quelques messieurs en canotier et costume sombre discutent âprement près du kiosque, on distingue en arrière-plan la mer et les parois abruptes de la fortification…

En grimpant le large escalier qui mène aux chambres, on perçoit en empoignant la rampe l’énergie dépensée par les milliers de mains qui ont eu le même geste depuis tant de décennies. Sur le palier, les lattes du parquet grincent sous l’épais tapis, on croit avoir déjà eu à l’oreille ce bruit qui porte en lui tant d’heures d’effort, végétal pour l’arbre dont est issu ce bois, humain pour les bûcherons, menuisiers, grooms et femmes de chambre qui l’ont fabriqué ou emprunté pour gagner le pain de leur vie. Les milliers de pas qu’ont amortis ces fibres ingénieusement mises en œuvre et patiemment entretenues font écho aux miens, que j’essaie de faire les plus légers possible en hommage à ceux et celles qui ont ainsi donné à l’ensemble de cet ouvrage patine et souvenirs.

On dit souvent « si les murs pouvaient parler », mais que ne dit-on plutôt « si les escaliers pouvaient nous raconter » ! Les murs ont peut-être des oreilles, mais les sols et en particulier les marches ou paliers en savent plus de l’humanité, d’une société, d’un lieu que bien des historiens. Le poids des hommes et des femmes, la façon de se déplacer en fonction de l’heure de la journée, de son âge, de sa position sociale, de l’endroit qu’on s’apprête à rejoindre ou celui qu’on vient de quitter, de l’action qu’on est déterminé·e à accomplir, des pensées qui chevauchent ou traînaillent en soi, du temps qu’il fait, qu’il fera ou qu’il a fait à quelques heures de là… autant de paramètres qui donnent à chaque pas sa caractéristique propre et, comme chaque instant d’une marée, n’est à nul autre pareil. Que ne peut-on traduire en mots, en phrases ou en romans les histoires que nous souffle le grincement des lattes du parquet d’un grand hôtel !! Et qu’il est triste et froid, en comparaison, le son sourd et lourdaud de l’ascenseur qui monte et descend péniblement les touristes avachis par l’inactivité de leurs vies modernes du « tout motorisé » !

Chateaubriand, j'aimerais te voir renaître en cette maison, revenir nous raconter le temps béni où tu trouvais les mots, les rimes et tout le romantisme pour embellir nos vies, leur ôter l'inhumain, les rendre plus supportables que celles d'aujourd’hui !

 

 

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