20 janvier 2022 – 8h41, une ou deux heures après avoir émergé
Le cœur qui manque, l’esprit qui s’embrouille, les doigts fébriles (de
trop d’attente ? de désillusions ?), mais je suis là. Reprendre le
clavier, p*** premières lignes dans le Deizlevr 2022, je n’avais pas vu passer
les jours. Écarter les tracas du quotidien, occulter les ébahissements de la
société qui part en vrille, les cahots de la politique gouvernementale, les inénarrables
défaillances de notre démocratie. Et avancer, punaise, ne pas cesser de mettre
un pas devant l’autre. Pourquoi j’ai une boule qui monte lentement dans la
gorge en écrivant ces mots ? Est-ce que tu la sens, cette gêne, une
quasi-honte, à être toujours là en quête de vérité, de clarté, dans ce monde
devenu opaque depuis deux ans, ou plutôt à la réalité sombre et turpide
dévoilée depuis février 2020 ?
J’ai essayé de faire le compte, vite fait, des livres achetés, lus, triés
ou juste désirés depuis ces temps heureux où je procrastinais tranquillement
mon envie de devenir écrivaine.
J’essaye maintenant de me souvenir de comment ça a commencé, moi qui
lisais à cette époque les comptes rendus de séminaires ou conférences d’auteur-e-s
qui racontent justement ça, comment il-elle-s sont venu-e-s à l’écriture, qui
les a incité-e-s, aidé-e-s, épaulé-e-s ou défié-e-s à écrire, vouloir publier,
bref, être écrivant.
Je sais maintenant qu’il faut juste faire, écrire, relire et rajouter
émonder peaufiner lisser, toujours et encore, avoir un carnet pour noter et des
heures devant soi – une place aussi, le fameux lieu de V. Woolf si mal traduit
par chambre, quoi que c’est bien à l’abri de mes murs chéris que je crée, moi
aussi, des mondes de papier…
Je peux maintenant m’y adonner, à cette passion dévorante, à ces
retours en arrière et grandes élancées vers l’ailleurs, ce monde que je ne
connais pas encore mais que je bâtis de mes mains, de mes yeux, de mon cœur d’amoureuse
de livres, de mots, d’imaginaire.
J’ai appris – de François Bon, Nathalie de Broc, Joseph Ponthus (paix à
son cœur vaillant), Hélène Cixous ou Marie Sizun et tant d’autres merveilleux-ses passeur-ses
de savoir littéraire – j’ai compris que ce travail, lent et parfois fastidieux,
si riche et passionnant toujours, s’accompagne d’autant de doutes, de tâtonnements,
d’errances qui semblent parfois ne mener à rien qu’à moi-même, cet être que je
ne connais pas mais qui pourtant est là, bien niché dans mes tripes et mes
neurones, et ne demande qu’à exister à travers les lignes tracées de matins
faiblards en nuits profondes.
Et soudain, au détour de FB, Joseph revient :
https://www.youtube.com/watch?v=mdUCOKW7PMg
Voilà qui m’emmène, Cendrars, etc. et surtout, au sujet du travail sur
la langue : « je ne pouvais écrire qu’en rentrant, je ne pouvais pas
écrire le lendemain, si j’avais écrit le lendemain, j’aurais oublié toutes les
sensations, tous les micro-événements. Il s’agissait d’écrire vraiment au
rythme, aux sonorités, au martèlement de l’usine et il y a un travail peut-être
complètement inconscient, d’écrire sur des consonnes explosives, dentales,
fricatives, le cric le crac le froc et pas du tout sur des assonnances à la
Verlaine des sons liquides et chuitants […] il fallait que ça ressemble au son
des machines. »
Et là, après, regarder le ciel et me dire : voilà, ce qui me
porte, moi, ce qui berce mon regard sur ce monde étrange, malaisé et rugueux,
ce sont les arbres, leurs élancements de bois et de sève mêlé-e-s, leurs
enchevêtrements qui n’en sont pas, tant les ramifications qu’ils offrent au
ciel et à la terre sont ordonnées par la vie, le souffle de la nature. Et la
mer, bien sûr, quand il m’est donné de l’avoir pour spectacle, dans sa fluide
présence qui m’apaise et me nourrit, toujours.