lundi 4 avril 2022

En rentrant de "Seule la Terre est éternelle"

 Peut être une image de 1 personne, ciel et texte

04.04.2022 – mail à François Busnel

Voilà, appuyé sur la touche « envoyer », seuls les noms de Busnel et Harrison étaient inconnus au correcteur automatique.

On verra bien.

*

Cette nuit, rêve de livres perdus. Je cherchais, en moi, dans les étagères de cette maison onirique qui me semble si familière à présent. Me réveillant en demi-sommeil, je pensai « je n’ai plus qu’à les écrire, si je ne les retrouve pas ! ». J’ai cru un instant pouvoir saisir un cahier et un stylo, allumer pour noter, mais non, je me suis rendormie.

Puis quelques heures après, réveil brutal à l’heure de la sonnerie programmée : j’étais dans une ville inconnue mais ensoleillée, entourée d’enfants dont je m’occupais plus ou moins, sorte de grande sœur ou baby-sitter improvisée. Nous étions dans une maison, avec des adultes, puis moi seule avec eux et elles, petites filles et garçonnets insouciants ou tourmentés, l’une embêtait une plus petite, les autres jouaient au ballon ou à courir dans des escaliers en béton, près d’un parc public entouré d’une grande avenue et de petites collines boisées (comme près de chez les boss de Noé à Trois Rivières, leurs noms m’échappent tout d’un coup).

Soudain le bruit d’un avion, comme la sourde stridence qui bientôt déchirera nos tympans, je conseille aux enfants de mettre les mains sur leurs oreilles et regarde vers le ciel, bleu bordé du vert des arbres, on est en plein été. Ce n’est pas un Mig mais un avion de ligne qui paraît décoller, il ressemble au Lego blanc Air France acheté à Felix un jour de départ en vacances à l’aéroport de Nantes, on fêterait ses 7 ans là-bas sur l’île chaude et douce. Je réalise en un centième de seconde qu’il penche et va bientôt s’écraser, mon Dieu, il plonge vraiment vite et j’ai juste le temps d’entraîner les enfants sous l’escalier. L’explosion est brutale, à quelques centaines de mètres derrière le bosquet près duquel ils et elles s’amusaient à l’instant d’avant.

Je redresse la tête en leur ordonnant de rester à l’abri, le nuage est épais et des débris sillonnent le ciel bleu zébré de noir et gris en toutes directions, braises et fragments de tôle tordue volent de toutes parts, passent au-dessus de nous pour retomber quelques mètres derrière, où des gens courent en tous sens pour échapper à ces projectiles mortels.

Et donc, le réveil sonne, petites notes de piano lançant délicatement le début de la journée, ce n’était qu’un rêve, ou plutôt qu’une assertion de mon esprit, les questions surgissent : que dois-je en faire, quel est l’avenir annoncé par ces images, de quel passé surgissent-elles… mais déjà la maison s’éveille, action.

Plus tard, à la radio, j’entends les exactions reprochées à l’armée russe (des jeunes soldats ivres) dans les villages ukrainiens libérés ces derniers jours. L’horreur est dans le poste, confirmation des dépêches AFP parcourues hier soir avant de m’endormir. Je coupe le son, regarde mon fils laisser une tartine entamée sur la table du petit-déjeuner, le soleil se lève, j’ai mal au cœur, à l’âme, aux yeux et au cerveau, tant de détresse partout dans le monde, mais il fait beau, froid, mais beau.

lundi 21 février 2022

Le Pô par grand Noroît

 

Marée basse, étendue beige et brune. Envie d’aller resserrer une drisse sur le mât du petit voilier pour qu’elle cesse enfin de tinter de son rythme endiablé et laisse à l’immensité le simple souffle du vent.

Quelques mètres et une dizaine de photos plus loin, le raclement d’un engin ostréicole dans l’enclos des bassins remplace le son aigrelet du gréement mal arrimé ; la frénésie du cordage s’entend encore mais s’est fait plus discret…

 



Une visiteuse ailée vient narguer mes velléités d’écriture, son plumage ébouriffé m’intrigue et je n’ai de cesse de la photographier jusqu’à ce qu’elle échappe à mon champ de vision d’un grand coup d’ailes déployées. 


Face à la plage blanche d’avoir été polie par le Nord-Ouest, dans la lumière aveuglante qui me rappelle le champ de neige du Semnoz d’il n’y a pas si longtemps, je me blottis entre les deux murs qui bordent la cale d’accès à la mer. 

 

Tout est calme malgré l’activité qu’on devine aux bruits du transpalette ou aux portes large ouvertes des chantiers de St Colomban. Les algues accrochées aux tables mouillées virevoltent en cadence, au loin les cyprès ondulent de leurs épaisses ramures sombres. Le théâtre d’ombres chinoises m’émerveille d’une nouvelle représentation inédite.






jeudi 20 janvier 2022

 


20 janvier 2022 – 8h41, une ou deux heures après avoir émergé

Le cœur qui manque, l’esprit qui s’embrouille, les doigts fébriles (de trop d’attente ? de désillusions ?), mais je suis là. Reprendre le clavier, p*** premières lignes dans le Deizlevr 2022, je n’avais pas vu passer les jours. Écarter les tracas du quotidien, occulter les ébahissements de la société qui part en vrille, les cahots de la politique gouvernementale, les inénarrables défaillances de notre démocratie. Et avancer, punaise, ne pas cesser de mettre un pas devant l’autre. Pourquoi j’ai une boule qui monte lentement dans la gorge en écrivant ces mots ? Est-ce que tu la sens, cette gêne, une quasi-honte, à être toujours là en quête de vérité, de clarté, dans ce monde devenu opaque depuis deux ans, ou plutôt à la réalité sombre et turpide dévoilée depuis février 2020 ?

J’ai essayé de faire le compte, vite fait, des livres achetés, lus, triés ou juste désirés depuis ces temps heureux où je procrastinais tranquillement mon envie de devenir écrivaine.

J’essaye maintenant de me souvenir de comment ça a commencé, moi qui lisais à cette époque les comptes rendus de séminaires ou conférences d’auteur-e-s qui racontent justement ça, comment il-elle-s sont venu-e-s à l’écriture, qui les a incité-e-s, aidé-e-s, épaulé-e-s ou défié-e-s à écrire, vouloir publier, bref, être écrivant.

Je sais maintenant qu’il faut juste faire, écrire, relire et rajouter émonder peaufiner lisser, toujours et encore, avoir un carnet pour noter et des heures devant soi – une place aussi, le fameux lieu de V. Woolf si mal traduit par chambre, quoi que c’est bien à l’abri de mes murs chéris que je crée, moi aussi, des mondes de papier…

Je peux maintenant m’y adonner, à cette passion dévorante, à ces retours en arrière et grandes élancées vers l’ailleurs, ce monde que je ne connais pas encore mais que je bâtis de mes mains, de mes yeux, de mon cœur d’amoureuse de livres, de mots, d’imaginaire.

J’ai appris – de François Bon, Nathalie de Broc, Joseph Ponthus (paix à son cœur vaillant), Hélène Cixous ou Marie Sizun et tant d’autres merveilleux-ses passeur-ses de savoir littéraire – j’ai compris que ce travail, lent et parfois fastidieux, si riche et passionnant toujours, s’accompagne d’autant de doutes, de tâtonnements, d’errances qui semblent parfois ne mener à rien qu’à moi-même, cet être que je ne connais pas mais qui pourtant est là, bien niché dans mes tripes et mes neurones, et ne demande qu’à exister à travers les lignes tracées de matins faiblards en nuits profondes.

Et soudain, au détour de FB, Joseph revient :

https://www.youtube.com/watch?v=mdUCOKW7PMg

Voilà qui m’emmène, Cendrars, etc. et surtout, au sujet du travail sur la langue : « je ne pouvais écrire qu’en rentrant, je ne pouvais pas écrire le lendemain, si j’avais écrit le lendemain, j’aurais oublié toutes les sensations, tous les micro-événements. Il s’agissait d’écrire vraiment au rythme, aux sonorités, au martèlement de l’usine et il y a un travail peut-être complètement inconscient, d’écrire sur des consonnes explosives, dentales, fricatives, le cric le crac le froc et pas du tout sur des assonnances à la Verlaine des sons liquides et chuitants […] il fallait que ça ressemble au son des machines. »

Et là, après, regarder le ciel et me dire : voilà, ce qui me porte, moi, ce qui berce mon regard sur ce monde étrange, malaisé et rugueux, ce sont les arbres, leurs élancements de bois et de sève mêlé-e-s, leurs enchevêtrements qui n’en sont pas, tant les ramifications qu’ils offrent au ciel et à la terre sont ordonnées par la vie, le souffle de la nature. Et la mer, bien sûr, quand il m’est donné de l’avoir pour spectacle, dans sa fluide présence qui m’apaise et me nourrit, toujours.